Le pianiste Alexandre Tharaud a réjoui nos oreilles en donnant à entendre, entre autres, la beauté lacrymale de Schubert, la mesure rassurante de Rameau, l'aura céleste de Bach, la profondeur charismatique de Beethoven et l'impressionnisme si contemporain de Ravel, dont il a enregistré l'intégrale de l'œuvre pour piano.
C'est à ce dernier compositeur qu'il revient avec un opus dédié à deux concertos pour piano avec l'Orchestre national de France sous la direction de Louis Langrée. Le Concerto en sol majeur et celui pour la main gauche en ré majeur. L'album fait aussi honneur au compositeur espagnol Manuel de Falla et à ses nuits dans les jardins d'Espagne. Il sortira le 13 octobre sur le label Erato. Ce qui frappe, c'est la modernité qu'on entend chez les deux compositeurs. Maurice Ravel, né en 1875, évoque un élan vital composé de ruptures rythmiques ayant presque la liberté du jazz, tandis que De Falla figure des scènes de films en costumes magnifiques**.
Le concerto pour la main gauche en ré majeur de Ravel
Sur le prochain album d’Alexandre Tharaud, il y a deux concertos pour piano de Ravel, celui en sol majeur et celui pour la main gauche en ré majeur. Ravel l’a écrit pour un pianiste, Wittgenstein, qui était autrichien et qui avait perdu son bras droit à la guerre. Il avait de l'argent et il a fait des commandes à plusieurs compositeurs, dont Prokofiev et Ravel : « La gauche par définition sonne moins que la main droite. Nous, pianistes, avons l'habitude de faire chanter le piano avec notre main droite. En général, c'est ce qui se passe dans toute la musique jusqu'au début du XXᵉ siècle. C'est la main gauche qui accompagne. Notre main droite a plus de poids, elle est plus sonore et elle sait chanter. Alors écrire pour la main gauche, c'est plus difficile. Surtout quand il y a 80 musiciens derrière. Ravel a eu ce coup de génie d'écrire pour l'orchestre une partition transparente qui laisse la place au piano. »
Collaborer avec l’Orchestre nationale de France
Pour ce nouvel album, Alexandre Tharaud a collaboré avec l’Orchestre national de France, qu’il considère comme l’un des meilleurs au monde : « Il y a des vents qui sont essentiels dans la musique de Ravel, et les vents français sont parmi les meilleurs au monde. Les vents, c'est le basson, le hautbois, la flûte, mais aussi les cuivres avec la trompette, le trombone. Il y a vraiment des musiciens extraordinaires dans cet orchestre et Louis Langrée y a mis son style, qui n'a pas cet ego démesuré de certains chefs. Un grand chef d'orchestre, c’est quelqu'un qui écoute. C’est quelqu'un qui apporte un certain apaisement autour de lui. »
Sa passion pour Ravel
"Avec un compositeur, c'est comme avec les gens, on se lasse si on ne renouvelle pas, si on ne bouscule pas la relation"
Alexandre Tharaud a enregistré l'intégrale de son œuvre pour piano. Il a reçu l’un de ses Grand Prix de l'Académie Charles-Cros pour l’interprétation de son œuvre et à l'âge de 19 ans, il a même signé son premier album, Ravel, qui n’a pas été édité : « La musique de Ravel est pleine de détails, c'est une musique très difficile à interpréter parce qu'il faut un lâcher-prise, comme toujours sur scène, mais avec une montagne de détails derrière. Alors, chaque matin, si on travaille Ravel, il faut savoir qu'on ne sait rien de sa musique et il faut se bousculer, y aller, rechercher quel détail ne va pas dans l'interprétation de Ravel. C'est un travail d'orfèvre dans les détails et en même temps, une grande ligne, c'était un romantique caché, et comme chez tout romantique, il faut trouver le jusqu'au-boutisme de la ligne. »
Un biopic d’Anne Fontaine sur Ravel
"Écouter Ravel : on l'entend chuchoter au piano ce qu'il ne peut pas dire dans la vie"
Un film biographique intitulé Boléro est en préparation. Il sera signé Anne Fontaine : « Elle raconte la vie de Ravel à travers la création et la genèse du Boléro, l'un de ses grands chefs-d'œuvre. Ravel est joué par Raphaël Personnaz. Il y a des acteurs incroyables comme Emmanuelle Devos. J’ai deux scènes où je campe un critique épouvantable qui déteste la personnalité et la musique de Ravel. »
Le choix musical de l'invité : Barbara, Precy jardin
La découverte de l'invité : Paris en avril, par le pianiste bulgare Alexis Weissenberg, connu sous le pseudonyme de Mr Nobody, arrangeur des airs de Charles Trenet
Programmation musicale :
- Dominique A, La fadeur et l'intensité
- James Blake, Loading
Générique : création originale de Flavien Berger
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