Traducteur, poète, éditeur, André Markowicz est né à Prague. Sa mère, russe, est apparue au monde en Sibérie, d'une mère exilée par Staline pour espionnage et d'un père géorgien. Le père d'André Markovicz était français d'origine polonaise. André Markowicz a vécu à Moscou et à Leningrad, et parle couramment russe, mais son identité principale est la littérature.
"La littérature russe a toujours été un lieu de résistance"
La Scala de Paris lui donne carte blanche pour évoquer la résistance poétique russe dans un contexte tragique où l'on entend parler uniquement du côté sinistre, odieux et condamnable, du plus vaste état de la planète.
Un dimanche par mois, pendant trois mois consécutifs, à partir du 8 octobre, il sera sur scène pour présenter l'autre Russie : « Pas la Russie fasciste, nationaliste monstrueuse que veulent bâtir les assassins mafieux au pouvoir à Moscou, même s'il y a eu, comme partout en Russie, des écrivains qui ont flatté le pouvoir, des gens qui ont profité du régime. La littérature russe a toujours été un lieu de résistance et les poètes ont souvent, au prix de leur propre vie, porté la voix de l'humanité. Trois rencontres, trois moments pour dire que cette autre Russie existe envers et contre tout. C'est cette Russie là qui me fait vivre. »
Ses chroniques de la guerre en Ukraine sur Facebook
André Markowicz a traduit les œuvres complètes de Dostoïevski, l'intégralité du théâtre d'Anton Tchekhov avec Françoise Morvan, Shakespeare, Gogol, Pouchkine notamment Eugène Onéguine. Il est l'auteur d'une centaine de volumes, de traductions, d'ouvrages, de proses, de poésie, de théâtre et il a participé à plus d'une centaine de mises en scène de ses traductions dans divers pays : « Actuellement, quasiment tout mon temps est pris par mes chroniques sur Facebook sur la guerre d'Ukraine que je publie tous les deux jours. Je considère Facebook comme un lieu d'écriture. L'essentiel de mon de mon travail est de raconter cette guerre et de lutter. Ma mère m'a dit un jour ; "tu fais la guerre". J'ai trouvé que c'était la plus belle chose qu'on pouvait me dire. La seule chose que je puisse faire, c'est écrire pour exprimer mon indignation et l'horreur que j'éprouve devant ce qui se passe, sur ce que fait l'armée russe, et le pouvoir poutien en Ukraine devant cette dévastation, ce génocide. »
Pour André Markowicz, cette guerre est actuellement son seul réel souci : « Je suis absolument persuadé que pour qu'il y ait un avenir humain dans un pays aussi inhumain que la Russie en ce moment, cela ne peut passer que par l'effondrement du régime de Poutine et une défaite militaire. Malheureusement, ce n'est pas demain la veille. Autant, je suis persuadé que la Russie ne peut pas gagner, autant, je suis de moins en moins persuadé qu'on la laissera perdre, car Poutine arrange beaucoup de monde. Et face à cela, la liberté des gens, leur dignité et leurs souffrances n'ont que peu de poids. »
Traduire la bibliothèque de sa grand-tante
Pour André Markowicz, tout son travail, est de traduire la bibliothèque de sa grande-tante : « Ma grand-tante est née en 1890, et j'ai eu la chance de la connaître. Elle a traversé toute l'histoire de la Russie. C'était une toute petite dame, mais incassable, et d'une force morale incroyable. C'était vraiment une groupie d'Alexandre Blok, et donc j'ai des éditions originales de lui. A travers ces livres, j'ai compris toutes les catastrophes de l'histoire russe : la révolution, la guerre civile, le stalinisme, les arrestations, et le blocus de Leningrad. Ma mère l'a vécu ce blocus. Ma grand-mère me racontait ce qu'étaient ces luttes contre le soi-disant cosmopolitisme, c'est-à-dire les campagnes antisémites officielles. En 1980, il y eut les Jeux Olympiques et c'était monstrueux parce qu'il n'y avait rien à manger. Ma grande-tante haïssait les Jeux Olympiques. Elle disait : "Nous avons survécu au blocus, nous survivrons aux Jeux Olympiques".** Il y avait dans cette phrase une espèce d'humour et une détermination qui me bouleverse de plus en plus. Tout ce que je fais, c'est d'essayer de transmettre ces mots nobles qu'elle a mis en nous, en ses petits-enfants. »
"L'Autre Russie" : carte blanche à André Markowicz, un dimanche par mois, les 8 octobre, 5 novembre, 10 décembre, à 17h30.
Textes lus par André Markowicz :
Alexandre Blok, "Je suis froid, me dis-tu..." , dernier poème daté de 1916
Anna Akhmatova, "Notre terre natale", l'un de ses derniers poèmes
Kari Unksova (1941-1943) "Le monde est fatigué..." , extrait de La Russie l'été (éditions Mesures)
Programmation musicale :
GABRIELS, Glory
VOYOU, Les Royaumes Minuscules
Les choix musicaux de l'invité :
Une chanson populaire d'après un poème de Lermontov https://www.youtube.com/watch?v=xDKUPoKX2jg
Une chanson de danse ukrainienne, chantée par un chœur de vieilles paysannes https://www.youtube.com/watch?v=K9dPOQj3vwQ
Générique : création originale de Flavien Berger
Pour en savoir plus, écoutez l'émission...