Illustratrice et auteur de bandes dessinées, Catherine Meurisse a fait rentrer le neuvième art à l'Académie des beaux-arts où elle a été élue en janvier 2020. La même année, une rétrospective lui était consacrée, installée tour à tour à Angoulême, Beaubourg et Bâle, pour atterrir aujourd'hui bien transformée, et sous le titre Une place à soi au musée Ungerer à Strasbourg.
L'exposition donne à voir l'éclectisme tant dans le champ de la curiosité que du style dont a été capable l'artiste au cours de sa carrière. Vous y verrez illustrations, pages de livres jeunesse, dessins de presse et planches de bande dessinée, ainsi que quelques œuvres de Loustics plus solennels comme Delacroix, Augusta ou Corot.
Les références à la littérature et à l'art sont le fil rouge de l'œuvre de Catherine Meurisse, dont le charme et l'humour sont un merveilleux biais de transmission. Le fantôme de La Fontaine a fait appel à ses services, tout comme le Petit Larousse 2010, soit deux entités de confiance.
Extraits de l’entretien
Cette exposition est axée sur l’illustration et le rapport texte image, mais avec peu de BD. Elle s’appelle Une place à soi. Ce n’est pas Catherine Meurisse qui l’a choisi, mais oui, elle a sa place dans le milieu, même si parfois, c’est un siège confortable, parfois un strapontin.
L’exposition, le temps du bilan
Catherine Meurisse au sujet de son œuvre exposée à Strasbourg : « Quelques gags me font encore rire parfois. J’ai même été surprise de voir des dessins dont je ne me souvenais plus. Cela fait réfléchir à ce qu’on peut dessiner ensuite. Quelle voie n’a pas encore exploré ? Quelle technique n’a pas encore utilisée ? Quel format… ? Voir ces pages m’invite à oser aller peut-être plus d’autres choses, tout en essayant de rester moi-même. Ce qui me plaît, si je peux employer ce verbe en regardant mon travail, c’est une cohérence. Et ça, ça me rassure. Je trouve une certaine sincérité dans mon boulot et surtout, je ne balade pas mon lectorat ou mon spectateur. »
Un trait qui a évolué
Catherine Meurisse se souvient : « À peine sortie des Arts déco de Paris, j'ai été embauché à Charlie Hebdo. J'étais très intimidée, peureuse, et très stressée. Surtout, je ne connaissais rien à rien. Donc mon dessin était extrêmement nerveux. Alors je travaillais déjà à la plume, mais c'était très piquant, très agité et ça s'est adouci petit à petit. Dans l'album Moderne Olympia il y a beaucoup plus de rondeur. Et après avoir quitté Charlie Hebdo, la douceur s'est imposée, même si je continue de donner quelques baffes dans les livres. Je fais appel à d'autres techniques, pastel, gouache, en quelque sorte qui vont manipuler le trait. »
Tomi Ungerer, maître à penser et à dessiner
Catherine Meurisse admire le dessinateur d’entre autres des Trois brigands : « Il est une sorte de maître à penser et à dessiner. La pensée se mélange au dessin, et le dessin pense. Sa ligne parle. Le trait d’Ungerer, ses croquis au crayon, ses travaux sur du papier calque, ses dessins de jeunesse hyper. Je suis très, très admirative de son trait violent, souvent méchant où on sent la colère dans le trait de plume.
Il y a quelques trucs aussi qui ne plaisent pas toujours dans son travail et certains albums que j’aime moins, mais je suis toujours stupéfaite. Je continue à chercher les vieux livres d’Ungerer. L’an dernier, je suis tombée sur un recueil de croquis de course de chevaux absolument génial. Pour moi, c’est inatteignable, mais ce n’est pas grave, je m’en fiche. J’y pense et puis ça me donne envie de dessiner. Je suis consciente de mes limites. Et j’adore m’entourer de dessinateurs ou de dessinatrices. »
Une documentation précieuse
Dans l’exposition, ses travaux jouxtent des dessins, estampes, gravures, et lithographies de Corot, de Delacroix, de Coignet, Jules Coignet… Ce qui n’a pas surpris Catherine Meurisse qui vit entourée de dessins : « C’est ma documentation permanente. Je vis entourée de catalogues d’expos, entre autres, que je compulse avant de me mettre à dessiner. Je ne cesse d’observer la technique des autres. Par exemple, comment est-ce que Corot dessine un feuillage de sorte qu’on a l’impression d’entendre le vent les peupliers ? Je me pose plein de questions. »
Un rêve de travailler en plus grand
Catherine Meurisse le sait : elle ne fera plus de dessin de presse : « C’est une gymnastique que je ne sais même plus faire. Pour changer, j’appuie sur un autre bouton dans ma tête et je me concentre sur l’un ou l’autre : la bande dessinée, l’illustration, ou la gouache, etc. Il y a 1000 choses que je n’ai pas faites et entre autres, la peinture en grands formats. Souvent, les originaux de bandes dessinées ressemblent à peu ou prou au format du livre. Parce que normalement, dans la bande dessinée, on dessine beaucoup plus grand que ce qui est imprimé par la suite. Quand on voit des planches Hugo Pratt, de Manara, d’Hergé, elles sont immenses et moi, je n’y arrive pas. Mon énergie se perd dans les grands espaces. Dans le plus grand format, tout le corps serait convoqué. Et je ne veux plus avoir le nez dans le guidon. »
La suite (son entrée à l'Académie des beaux-arts, le lien entre dessin et enfance...) est à écouter...
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