Michel Gondry, le cousin rêveur de Georges Méliès
Cinéaste, inventeur, musicien, clipper et cousin rêveur de Georges Méliès, Michel Gondry sort un nouveau film, Le Livre des solutions et dans lequel Marc, alter ego de fiction campé par Pierre Niney, se fait remonter les bretelles par des producteurs furieux de l'avancée du film que le réalisateur n'arrive pas à boucler.
Ce dernier vole alors tout le matériel technique et va se réfugier avec son équipe chez sa tante Denise, dans un petit village des Cévennes, pour finir le long-métrage. Problème numéro un, il est incapable de visionner le montage actuel. Problème numéro deux, il est bipolaire et arrête son traitement d'un coup. Touché par la grâce et la malédiction d'une phase maniaque, il se retrouve submergé d'idées dont l'urgence d'exécution et l'absurdité vont vite venir à bout de la patience de ses collaborateurs. Seule sa tante Denise, exceptionnelle Françoise Lebrun, lui garantit une tendresse inconditionnelle.
Tirant parti de sa psyché suractivée, Marc rédige alors un livre des solutions, guide de conseils pratiques censés permettre de venir à bout de n'importe quel obstacle. Déclaration d'amour à la fabrication des images, réflexion pleine d'autodérision sur la créativité et les difficultés d'avoir des rapports avec son prochain. Le Livre des Solutions confirme le propos que tenait la chanteuse Björk sur le réalisateur, avec laquelle il a souvent collaboré dans les idées les plus tordues : "Michel ne cherche qu'une seule chose, tirer un peu de magie et de mystère de notre monde."
Un film sur la bipolarité
Dans Le Livre des Solutions, Marc, joué par Pierre Niney, est l’alter ego fictif de Michel Gondry. Son personnage est bipolaire, le réalisateur a révélé sa bipolarité durant le tournage de L’Ecume des Jours. Comme Marc dans le film, il prenait des médicaments pour l’humeur, puis il a arrêté subitement ce qui a eu pour effet d’être submergé d’idées : « Il y a des périodes maniaques puis des dépressions qui s’enchaînent. J’ai eu un épisode très violent de manie parce que j’avais arrêté mes médicaments. À l’époque, je ne savais pas trop ce qu’était la bipolarité et si je l’étais ou non. J'ai dû chercher dans mon passé avant d’accepter un traitement différent, et ça m’a permis d’observer l'évolution de cette maladie, et de donner un diagnostic juste. »
Coupable d’être pénible
Dans Le Livre des Solutions, Pierre Niney est en pleine phase maniaque, ce qui stimule sa création. Cette situation Michel Gondry l’a bien connu : « Quand on est dans une phase maniaque, qui n’est pas traitée, c’est vrai qu’on a l’impression qu’on est génial, mais on ne l’est pas forcément. Tout est très désorganisé, et c’est difficile de construire les choses. Quand on commence le traitement, il y a une période d’adaptation où l’on sent un peu comme un légume. Puis, petit à petit, les idées reviennent et qu’elles ont les mêmes qualités et qu’elles sont plus organisées, et surtout, on est moins pénible pour les autres. C'est vraiment l'élément déclencheur, c'est-à-dire qu'on se sent coupable d’être pénible. »
Depuis le début de son traitement, Michel Gondry n’a pas le sentiment d’avoir moins d’idées qu’avant, au contraire, sa dernière en date : « Pour augmenter la capacité de voyageurs dans les rames de métro, j’ai eu l’idée de rajouter une voiture de chaque côté, qui resterait dans les tunnels et auquel on aura accès par les passages entre les wagons. Ça permettrait d'avoir des rames de sept wagons au lieu de cinq, ce qui ferait une grosse différence pour les heures de pointe. »
Dans une précédente interview, Michel Gondry dit avoir travaillé avec une monteuse très douée, mais qui lui a rendu la vie infernale, mais est ce que l’inverse lui ai déjà arrivé : « Un jour au Japon, j’ai renvoyé une personne qui devait faire du repérage pour un de mes films, parce qu’il disait que tout était impossible, et virer quelqu’un au Japon, ça a une signification très lourde, car il y a une très grande dignité par rapport au travail. Tout le reste de l’équipe a eu peur. Ça a vraiment jeté un froid. »
Sa série "Kidding" avec Jim Carrey
En 2018, Michel Gondry a fait une série avec Jim Carrey, Kidding, lui aussi notoirement bipolaire : « Comme beaucoup de personnes comme Kanye West, certains bipolaires pensent que si on ne se traite pas, on va avoir plus d’idées et c’est un peu égoïste, car ce sont vraiment les autres qui en payent le prix. On a l’illusion d’avoir des idées géniales, mais c’est surtout une inhibition totale qui fait qu’on essaye toutes les idées. Quand je voyais comment Jim Carrey souffrait dans sa loge pour un détail, je savais exactement quel était son problème et j'avais envie de communiquer avec lui, mais en même temps, je ne pense pas que ça l’aurait aidé. »
La solitude du créateur
Michel Gondry aime beaucoup le réalisateur Alain Resnais parce qu’il est un solitaire. Pour lui, il y a de la solitude dans la création : « Vous avez un statut qui vous isole parce que les gens n'osent pas dire ce qu'ils pensent. Ils ont une relation entre eux, puis celle avec le réalisateur, donc oui, ça isole, mais je connais moins cette solitude maintenant parce que les gens me font plus confiance. »
La musique du film Le Livre des solutions est d'Étienne Charry, membre de votre ancien groupe Oui-Oui, dans lequel il était batteur, et le film de Marc dans le film de Michel s'appelle Chacun tout le monde qui est aussi le nom du premier album de Oui-Oui, sorti en 1989.
Programmation musicale :
Ottis Cœur, Labrador
BigThief, Vampire Empire
Le choix musical de l'invité : Paris s’éveille de Jacques Dutronc
La découverte de l'invité : l'anthropologue Steven Matejovsky, le grand père de sa fille Maya
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