Directrice artistique de la Fondation Cartier pour l'art contemporain et commissaire d'exposition, Isabelle Gaudefroy est une personnalité touche-à-tout, au sens noble du monde de l'art. Après des études d'allemand, de droit et d'histoire de l'art, elle travaille à la production d'événements au Théâtre des Amandiers de Nanterre, puis intègre la Fondation Cartier en 1999 comme programmatrice des Soirées Nomades et commissaire de plusieurs expositions. Après avoir été directrice artistique adjointe pendant plusieurs années, elle succède à Hervé Chandès.
La Fondation Cartier fête cette année ses 40 ans. Une programmation a été conçue pour réjouir nos sens. Dans cette émission, nous abordons la Fondation, haut-lieu de stimulation de notre psyché et les événements qui s'y dérouleront, mais aussi nous vous faisons découvrir le travail de plusieurs artistes. Au programme, l'architecte indien Bijoy Jain, le tandem composé par le Sud-Africain William Kentridge et la Botswanaise Bronwyn Lace ou encore l'artiste américain Matthew Barney.
Sa découverte de l’art
À 20 ans, Isabelle Godefrooy assiste à une représentation de l'opéra de Philip Glass et Bob Wilson, Einstein on the Beach, c'est une révélation qui lui donne la volonté de travailler dans le monde de la culture : « C'était quelque chose qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais vu auparavant. Enfant, j’allais beaucoup au théâtre avec ma mère, mais là, j'ai découvert un objet qui était à mi-chemin entre l'installation, l'opéra et le théâtre. C'était merveilleux. »
La Fondation Cartier, un lieu plein de curiosité
Isabelle Gaudefroy travaille à la Fondation Cartier pour l'art contemporain depuis 25 ans : « C’est un lieu qui est très particulier où la curiosité est encouragée. J’avais peu de relations avec notamment les cultures extra-européennes, mais depuis les quinze dernières années, elles ont vraiment élargi mon horizon. Le fait d'être avec beaucoup d'artistes issus de l'Amérique latine, d'Asie, d'Afrique et de connaître des artistes qui ne sont pas forcément issus de l'académie, finalement, tous les artistes actuels sont des artistes contemporains et il ne faut pas faire de hiérarchie entre les différentes formes d'art. La programmation de la Fondation se fait beaucoup autour de rencontres. L’espace doit être à chaque fois repensé, modifié en fonction de chaque projet qui est un dialogue au long cours avec les artistes que nous invitons. »
Un lieu de concerts et de performances
À la Fondation Cartier pour l'art contemporain, il y a des spectacles, des performances. Et aussi des concerts mémorables comme ceux du groupe de rock américain Suicide, les Finlandais de Pansonic, les Japonais de Boredoms, et puis, dans les souvenirs marquants d’Isabelle Gaudefroy, il y a celui de Peaches et de Chilly Gonzales en 2001 : « La préparation du concert a été compliquée, la fiche technique que nous avions reçue était fausse. Le concert a finalement commencé à 22 h. Nous étions censés jouer dehors, mais on a dû se rapatrier à l'intérieur parce qu'il a plu. Quand le concert a commencé, la police est arrivée parce que les voisins se plaignaient du bruit. Ça ne se présentait pas sous les meilleurs auspices, mais finalement, ça a été un concert exceptionnel et les gens qui étaient là s'en souviennent encore. »
Les prémisses de la Fondation
La Fondation Cartier a été créée en 1984 à l'initiative d'Alain-Dominique Perrin et sur la suggestion de l'artiste César qui est toujours le président de la Fondation Cartier : « Lors des conversations, Alain-Dominique Perrin a mis en avant le fait qu'il n'y avait pas beaucoup de lieux en France qui permettaient aux artistes de travailler de manière libre et ouverte. Monsieur Perrin a donc créé cette fondation dans le Château du Montcel à Jouy-en-Josas. Il y avait des résidences d'artistes et un lieu de production. À la fin des années 90, il y a eu le désir de s'installer dans le centre de Paris, c'est là que le bâtiment de Jean Nouvel a été conçu. »
Plus de 2 000 œuvres
Aujourd’hui, la Fondation Cartier, c’est une collection de près de 2 000 œuvres issues des relations tissées avec plus de 500 artistes du monde entier. Il y a parmi elles des œuvres pérennes dans la fondation comme "Le Tombeau de Zgougou" d'Agnès Varda, qui date de 2006 : « C’est une œuvre que nous avons acquise pour donner suite à l'exposition que nous avions faite avec Agnès Varda autour de l'île de Noirmoutier. C’est le tombeau symbolique de son Chat Zgougou qui était un des grands amours de sa vie. Nous avons une deuxième œuvre qui se trouve également dans le jardin qui s'appelle Nini sur son arbre et qui concerne l'autre chat d'Agnès Varda. »
L’architecte Bijoy Jain
L'architecte Bijoy Jain, fondateur du studio Mumbai en Inde est né en 1965 à Bombay et son exposition Le Souffle de l'architecte a été inaugurée le 9 décembre dernier à la Fondation Cartier. On peut la voir jusqu'au 21 avril : « Il a créé ce studio dont l'activité principale est de travailler avec des artisans pour créer des formes, des formats et une recherche sur la matière, les objets, la couleur. Ce travail de recherche informe, ensuite l'architecte l'aide à construire des bâtiments qui sont liés à la nature, à la question de l'eau et du souffle. »
L’artiste Hu Liu
À la Fondation Cartier, il y a des œuvres magnifiques qui représentent des vagues en très gros plan et on a l'impression que ça se meut : « Ce sont des œuvres d'une artiste chinoise qui s'appelle Hu Liu qui sont faites entièrement au graphite, au crayon à papier. Dans cette exposition, elles sont très bien mises en valeur, elles sont issues d'un geste répété de l'artiste, toujours le même. Avec l'éclairage, on voit bien ce mouvement presque cinétique. »
Les artistes William Kentridge et Bronwyn Lace
Du 13 au 20 mai prochain, la Fondation Cartier accueillera l'espace fondé en 2016 à Johannesburg par les artistes William Kentridge et Bronwyn Lace, qui encourage et accompagne l'expérimentation et l'émergence de formes nouvelles qui s’appelle The Center for the Less Good Idea, le centre pour la moins bonne idée : « Johannesburg, est une ville dans laquelle il y a peu de lieux pour que les artistes puissent créer, surtout pour ceux qui n'ont pas accès aux études supérieures. Bronwyn Lace et William Kentridge ont donc créé ce centre qui est une sorte d'incubateur de jeunes artistes, pour repérer des talents, leur donner un espace pour répéter, mais aussi un accompagnement pour leurs créations. »
Matthew Barney
Du 8 juin au 8 septembre 2024, une exposition de Matthew Barney aura lieu à la Fondation autour d’un cycle composé de cinq films réalisés en 1994 et 2002 : « Matthew Barney est un ancien athlète de haut niveau. Il faisait du football américain avant de devenir artiste, la pièce Secondary fait référence à un événement tragique qui a eu lieu en 1976, dans lequel, au cours d'un match, un des joueurs de football américain a percuté un autre joueur et s'est retrouvé paralysé à vie. »
Pour en savoir plus, écoutez l'émission...
Les morceaux et sons diffusés durant l'émission :
Einstein on the Beach opéra de Philip Glass et Bob Wilson (Acte I)
SUICIDE - Ghost Rider
Les voix des artistes Pierrick Sorin dans "Les réveils" en 1988, de Bijoy Jain en 2017, de l'artiste sud-africain William Kentridge au micro de Laure Adler dans L'heure bleue en 2020, de Matthew Barney en 2013, d'Olga de Amaral
ADRIANO CELENTANO - 24000 baci
La découverte de l'invitée :
Le film N'attendez pas trop de la fin du monde de Radu Jude
Le choix musical de l'invité :
EMEL - Holm
Programmation musicale :
BILLIE EILISH - Billie Bossa Nova
ANDREA LASZLO DE SIMONE - Il Regno Animale
VOYOU - D'amour et d'insouciance