Culture et récolte du cacao, transformation en chocolat, transport, emballages : toutes les étapes de la production du chcoolat émettent des gaz à effet de serre. De plus, les conditions de sa production sont problématiques : manque de transparence, déforestation, exploitation humaine...
Pour Frédéric Amiel, auteur d'une Petite histoire de la mondialisation à l’usage des amateurs de chocolat (Éditions de l’Atelier, 2021), le chocolat est un symbole de notre système mondialisé : « Le marché international du cacao-chocolat est aujourd’hui emblématique d’un capitalisme à bout de souffle enfermé dans se propres contradictions : la quantité colossale d’argent investi et mobilisé pour maintenir les niveaux de production et de consommation nécessaires à la survie du modèle paralyse totalement l’action et l’innovation »
Depuis les années 1990, les industriels du chocolat ont décidé de répondre aux problèmes de durabilité du cacao en ayant recours à des certifications durables et équitables. Mais quelle est la valeur réelle de ces certifications ? Sont-elles fiables ? Un chocolat éthique et durable est-il possible ?
Publié le 12 décembre 2022, une nouvelle réglementation européenne vise à interdire l'importation de produits dérivés issus de la déforestation : va-t-elle permettre de réformer en profondeur la filière ?
C'est un sujet difficile quand on y pense, car habituellement synonyme de plaisir et de passions, derrière la consommation de chocolat se cache une réalité peu réjouissante, celle d'un produit dont l'impact écologique et social est loin d'être négligeable. Une triste réalité, mais le chocolat, lui aussi, n'est pas bon pour la planète. Chaque année, un Français consomme en moyenne 7 kilos de chocolat et ce chiffre ne cesse de croître. L'empreinte carbone du chocolat est forte entre la culture et la récolte du cacao, sa transformation, le transport et l'emballage, auxquels il faut ajouter la déforestation et l'exploitation humaine. Est-ce qu'un chocolat éthique et durable est possible ? Pour nous guider Frédéric Amiel, spécialiste des questions de déforestation et Marion Feige-Muller, analyste au BASIC qui a estimé les coûts et les impacts de la filière dans une étude intitulée « la face cachée du chocolat », nous aident à comprendre ce qui se cache derrière le chocolat.
La France, grande consommatrice de chocolat
La consommation de chocolat, c'est 7 kilos en moyenne par Français ? La France est un gros consommateur de chocolat explique Frédéric Amiel : "On a une spécificité en France, c'est qu'on mange du chocolat noir à 30 % en moyenne, alors que la moyenne européenne est plutôt autour de 3 ou 4 %. C'est une consommation très riche en cacao brut. Cela accroit la demande du cacao et participe à un impact environnemental plus important en encourageant la déforestation".
Un bilan environnemental et social désastreux
Les deux spécialistes estiment que comme tout autre produit de consommation, il faut prendre conscience de l'impact du commerce chocolatier, car il est tout à fait possible de conserver ce plaisir gourmand tout en ayant un impact raisonnable sur les ressources environnementales. Derrière cette chaine de production se cache tous les travers de la mondialisation, avec des conditions environnementales, sociales sinon humaines désastreuses qui posent avant tout la question du prix auquel est rémunéré le cacao et qu'il faudrait absolument revoir.
L'empreinte carbone du chocolat
En prenant les différentes étapes par lesquelles le cacao va être transformé depuis la production jusqu'à la consommation, si on regarde les postes de dépenses de consommation d'énergie et qu'on les traduit en équivalent carbone, Marion Feige-Muller affirme qu'on en arrive à des estimations de l'Ademe (via son outil "agribalise") "de 17 kilos équivalent carbone émis par kilo de chocolat produit. Si on est sur une tablette de 100 g, on est à 1,7 kilos." En plus de la déforestation il va y avoir un gros impact au niveau de la transformation des fèves de cacao qui sont transformées dans des grandes usines qui vont les broyer, les torréfier, produire le chocolat, le chauffer, le moudre, ce qui est très consommateur d'énergie.
La déforestation
La déforestation au profit de cette monoculture répond avant tout à une logique de recherche du prix du coût de production le plus bas pour les producteurs. Le prix est structurellement bas, très fluctuant par rapport à des cours mondiaux qui, depuis les années 1970, ont une tendance à la baisse. Dans cette situation où le producteur a un prix du cacao qui non seulement ne lui permet pas de vivre décemment, lui et sa famille, en plus d'une incertitude de rémunération digne, la meilleure stratégie pour un producteur qui veut ouvrir un nouveau champ de cacao, c'est de couper un hectare de forêt et de planter du cacaoyer avec des sols fertiles. Marion Feige-Muller explique que "le petit producteur va rechercher un moyen de tirer ses coûts de production vers le bas et la solution principale consiste à déforester, pour bénéficier de la richesse des sols déforestés, planter des cacaoyers et tirer une production de cacao plus rapide".
Une crise sociale et humaine interne
Les 6 millions de producteurs à travers le monde font face à quelques industriels qui détiennent à eux seuls l'ensemble du marché du chocolat mondial (80 % de l'achat de fèves au monde). Un déséquilibre qui occasionne une véritable crise sociale pour ne pas dire humaine dans le secteur et qui implique de revaloriser la rémunération des producteurs en faisant confiance à des certifications de production biologique estiment les deux spécialistes.
Marion Feige-Muller estime que si on veut s'assurer d'une meilleure rémunération des producteurs et si on veut potentiellement lutter contre le travail des enfants, il faut certainement "réfléchir à une consommation d'un chocolat qui soit mieux rémunéré et avoir confiance en des certifications biologiques qui puissent faire en sorte que le plus grand prix que peut mettre le consommateur in fine soit bien répercuté parmi toute la chaine production".
Sauf que les Certifications de l'agriculture biologique du chocolat peinent à se démocratiser. Les certifications aujourd'hui représentent une très faible part du marché du chocolat. Frédéric Amiel estime que "malheureusement même si les grandes entreprises de production de cacao produisent de l'équitable et du bio en complément de gamme, ils continuent à vendre les produits conventionnels, soit les mauvais produits. Pourtant on sait que mieux produire permettrait de mieux rémunérer les petits producteurs. En effet, quand on paye une certification durable sur notre tablette de chocolat, le petit producteur va obtenir un pourcentage de rémunération bien plus digne".
Sauf que si aujourd'hui les grandes entreprises appliquent des normes environnementales et sociales, elles se passent d'importants bénéfices qu'elles ne sont pas encore prêtes à sacrifier. Marion Feige-Muller estime que "tant qu'elles n'acceptent pas de modifier leur modèle économique, elles ne pourront pas proposer un produit social et environnemental. On a vraiment un problème de régulation, par peur de manque de rentabilité. Tant que le cacao restera un produit de marché, non régulé, ce d'équilibre social et environnemental continuera…"
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