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Environnement: la raréfaction de l'eau en Suisse
Edité par Radio France Internationale
L'eau est l'objet de toutes les convoitises en période de sécheresse, y compris dans des pays qui n'ont pas l'air d'en manquer. C'est le cas de la Suisse : 6% des réserves d'eau douce européenne à elle seule. Le réchauffement climatique est deux fois plus important dans les Alpes qu'ailleurs et l'accès à l'eau commence à poser question.
Avec ses 89 milliards de m3, le lac Léman est le plus grand réservoir d'eau douce en Europe. Une chance pour Genève qui puise allègrement dans le lac pour sa consommation, sans se soucier de la sécheresse. C'est une erreur, dit la députée écologiste Marjorie de Chastonay. Elle veut taxer l'eau de remplissage des piscines : « Je pars du principe que la personne qui consomme abondamment de l'eau en remplissant une piscine, doit quand même payer une taxe ou un supplément puisque souvent il s'agit d'eau potable. L'eau est une ressource qui devient un bien précieux, parce qu'on est déjà en stress hydrique en Suisse et à Genève aussi. »
À quelques hectomètres de là, en France voisine, les habitants de Haute-Savoie ont interdiction d'arroser leur jardin ou de nettoyer leurs voitures. Les crèches ne peuvent même pas remplir de petites piscines pour les enfants. Rien de tout cela à Genève où l'on arrose les pelouses en plein cagnard. La sécheresse est pourtant la même des deux côtés de la frontière : « On voit que les incitations et les recommandations ne sont pas forcément suffisantes quand on est en situation d'urgence climatique, poursuit la députée. C'est difficile d'en prendre conscience à court terme parce que le canton de Genève est un bassin versant. D'ailleurs, toutes les rivières qui arrivent dans le lac proviennent aussi de la France et on a de l'eau en abondance. Mais c'est une richesse qui commence à s'épuiser puisqu'on voit déjà que certaines rivières s'assèchent. On est obligé d'aller mettre de l'eau potable dans nos rivières parce qu'on a un problème d'étiage. Le débit n'est plus suffisant pour maintenir la biodiversité. »
Même problème à Enges
Pour prendre conscience du manque d'eau en Suisse, il faut se déporter vers le massif du Jura. Plus bas que les Alpes, plus sec aussi, l'eau s'y fait de plus en plus en rare. C'est particulièrement vrai dans la commune d'Enges, nichée sur les hauteurs du lac de Neuchâtel. « On a un terrain qui retient peu l'eau, selon Vanessa Renfer est la maire – ici, on dit présidente de commune – du village. On dépend uniquement de nos sources. On a beau avoir un lac tout près, pour le moment, on n'a pas accès à l'eau qui est dedans. Ça fait un double problème puisque quand le terrain est très sec, l'eau ne pénètre pas et n'approvisionne pas bien les sources. Donc, on se trouve face au double défi : il n'y a pas beaucoup d'eau et quand il y en a qui tombe, elle ne reste pas chez nous. »
Résultat : Enges a déposé un moratoire de deux ans sur toute nouvelle construction, parce que la commune estimait qu'elle n'avait pas assez d'eau pour les nouveaux habitants. Là encore, la solution devrait passer par un système de récupération des eaux du lac.
Mais que se passe-t-il pour les habitats qui n'ont pas de lac à proximité ? Bettina Schaefli est hydrologue à l'université de Berne. Et elle le dit : même si la Suisse va rester le château d'eau de l'Europe malgré le réchauffement, elle va devoir changer ses habitudes : « Ce qu'on craint avec le changement climatique, c'est que la variabilité naturelle se renforce. On va avoir de plus en plus d'années avec des étés extrêmement secs, avec des températures très élevées, suivi d'années avec des inondations. Aujourd'hui, on cherche des solutions techniques, comme amener de l'eau par hélicoptère, plutôt que se poser la question : "Est-ce que l'exploitation qu'on fait de ces régions-là est encore adaptée à la situation actuelle ?" »
Alors, les Suisses insouciants ou inconscients ? Toujours est-il que si les autorités savent combien d'eau consomment les ménages, elles n'ont jamais comptabilisé les consommations de l'industrie et de l'agriculture.