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L’État providence: l’atout des conservateurs polonais pour remporter les législatives
Edité par Radio France Internationale
En Pologne, la campagne des législatives prévues ce dimanche 15 octobre bat son plein. Depuis plusieurs mois, le gouvernement ultra-conservateur dépense sans compter pour garder les faveurs de l’électorat. Ces largesses peuvent-elles remettre en cause la fulgurante trajectoire de l’économie polonaise ?
Pour les électeurs du parti droit et justice (PiS), aux affaires depuis 2015, les récents cadeaux comme l’essence vendue au-dessous du prix du marché se confondent avec la progression extraordinaire de leur pouvoir d’achat sensible depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs. En huit ans, leurs revenus ont quasiment doublé. Le pouvoir d’achat des Polonais a dépassé cette année celui des Espagnols. Pendant cette période, le chômage a été divisé par deux et la pauvreté a reculé. Elle est maintenant inférieure à la moyenne européenne.
Mesures de soutien
Cette année, le gouvernement a multiplié les mesures de soutien aux ménages appauvris par l’inflation. Il y a eu la suppression de la TVA sur les produits alimentaires, le plafonnement du prix du gaz et de l’électricité, un coup de pouce de 18% au salaire minimum en janvier. Ces divers boucliers anti-inflation sont aussi des armes massives de séduction en année électorale.
La Banque centrale s’est mise au diapason. Au lieu de remonter les taux pour lutter contre l’inflation actuellement à 8%, elle a récemment abaissé deux fois ses taux directeurs pour alléger le loyer de l’argent. Cette politique très redistributive est électoralement payante, sur le plan économique son impact est discutable. Elle contribue à entretenir l'inflation qui grignote le pouvoir d'achat.
Ces transferts généreux sont-ils soutenables pour les finances publiques ?
Le déficit sera cette année à 5% du produit intérieur brut (PIB), contre 3% en 2022. Année où les dépenses supplémentaires ont aussi servi à accueillir un million de réfugiés ukrainiens. Ces comptes dans le rouge restent a priori soutenables car l’État, même privé des fonds européens, reste relativement peu endetté. Sa dette représente environ la moitié de son PIB. En Espagne, c’est le double.
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Mais ce qui est inquiétant, c’est l’opacité qui entoure les comptes publics de l’État polonais. Par exemple, les dépenses militaires ont fortement augmenté mais elles ne sont pas nécessairement votées dans le budget. Elles sont endossées par des agences indépendantes de l’État qui échappent à tout contrôle. Ce manque de transparence est dénoncé par les analystes des banques privées comme par ceux de l’Organisation de coopération et de développement (OCDE).
Une menace pour la prodigieuse croissance polonaise ?
Oui, cela pourrait compromettre le rythme soutenu de la croissance. Cette année, elle sera quasiment nulle en Pologne, après des années de croissance robuste, bien supérieure à la moyenne européenne. À l'exception du plongeon de 2020 dû au covid. Si les finances publiques ne sont pas rapidement maitrisées, le scénario de la stagflation pourrait figer, c'est-à-dire une croissance atone avec une flambée des prix persistante. Un scénario catastrophe pour le bien-être des ménages. C’est pourquoi, quel que soit le vainqueur du scrutin, il devra commencer par faire une opération vérité sur l'état réel des finances publiques.
L'afflux des investissements étrangers, un modèle est durable ?
Les investissements directs étrangers se sont tassés en 2022 mais la Pologne continue à profiter du mouvement de relocalisations des entreprises transnationales sensibles depuis le covid. Grâce à ces investissements directs étrangers, la Pologne est devenue la cinquième puissance industrielle de l'Union.
Depuis 2015, la production industrielle a augmenté de plus de 50% alors qu'elle a légèrement reculé en France. Les biens intermédiaires sont exportés au sein de l'Union européenne, surtout en Allemagne. Les investissements direct étranger (IDE) propulsent la croissance et contribuent à équilibrer la balance des comptes courants. Mais les bénéfices ne sont pas forcément réinvestis sur place, ils sont rapatriés au siège des multinationales. À moyen terme, la Pologne ne doit plus se reposer sur ces capitaux étrangers mais investir pour créer ses propres champions, et pour décarboner son industrie.
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