Une séquence populiste ? : la Tunisie partie prenante de la tendance
Depuis sa prise de pouvoir, Kaïs Saïed mène une politique de conservatisme assumé. Religieux, rattaché au courant salafiste en tant que retour pieux aux ancêtres, il a profité de l'échec de la révolution sociale de 2011 pour ramener sur le devant de la scène une vision plus conservatrice. En effet, comme le note Sophie Bessis, la révolution tunisienne a d'abord été une révolution de nature sociale, bien que d'un point de vue politique, la dictature de Ben Ali a été renversée le 14 janvier 2011. Dès lors, Kaïs Saïed a tenu une candidature populiste qui lui a permis d'arriver au pouvoir, quitte à tenir des comportements parfois contradictoires. En effet, en 2014, il soutient la Constitution de 2014 qui donne très peu de pouvoir au chef de l’État et qui avait institué un régime quasi uniquement parlementaire. Mais depuis le 25 juillet 2021, Kaïs Saïed s'est arrogé les pleins pouvoirs, de façon parfaitement assumée.
Bien que la Tunisie ne soit pas isolée dans le monde, ce recul des démocraties face à la poussée des autocraties demeure inquiétant. Ce phénomène qui met aussi en évidence les incohérences du modèle démocratique occidental, qui récuse le populisme tout en maintenant des relations d'amitié avec des pays qui s'éloignent de plus en plus du modèle démocratique.
La Tunisie : une situation politique en danger ?
Derrière la prise de pouvoir inquiétante de Kaïs Saïed se cache une situation sociale, politique et économique tout aussi alarmante. Aux dernières élections législatives, le taux de participation (probablement gonflé) dut de 11 %. Le taux de chômage est, officiellement, compris entre 16 et 18%. La sécheresse a divisé par trois la production céréalière. Le dinar a atteint son niveau le plus bas depuis des années. Le pays est alors presque dans une situation de banqueroute.
Tout de même, la révolution de 2011 n'a pas été pas réduite à néant. Elle a en effet créé une conscience politique, notamment chez les jeunes. Ce capital humain et social de la population l'a alors rendue plus consciente, plus exigeante et plus attentive. A cet égard, "l'histoire n'est pas finie" pour Bertrand Badie.
Mais cet espoir en une classe contestant l’autoritarisme de Kaïs Saïed ne saurait suffire. En effet, il y a aujourd'hui une influence de l'Algérie en Tunisie extrêmement importante. La Tunisie est "en train de devenir un protectorat algérien" pour Sophie Bessis, une menace d'autant plus forte que le pays se situe dans un arc autoritaire, entouré par l’Égypte ou la Libye.