Samedi 1er janvier, la France a donc succédé à la Slovénie pour assurer le rôle de présidente du conseil de l'UE pour 6 mois. En réalité, la présidence du conseil de l'UE est assurée par un triplet. Trois États, la France, la Suède et la Tchéquie vont gérer de manière coordonnée les présidences des 18 prochains mois. La France étant le premier acteur du triplet aura l'avantage de lancer les initiatives mais il faudra pour cela qu'elle se mette d'accord avec les dirigeants des deux autres pays dont les intérêts sont loin d'être alignés sur les siens. La dernière fois qu'elle a tenu ce rôle, c'était il y a 13 ans, en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
La devise de la France : "Relance, puissance, appartenance"
Emmanuel Macron a détaillé le 9 décembre les objectifs qu'il s'est fixés pour faire aboutir un certain nombre de lois européennes. Tout d'abord, il a évoqué la « directive sur les salaires minimums dans l'Union européenne, qui définit non pas un SMIC européen comme une moyenne mais tire tous les bas salaires vers le haut grâce à un salaire minimum décent, sera au cœur de notre présidence ». Il a mis en garde contre une « Europe qui ne protège pas mieux les plus faibles » : « c'est cette Europe-là qui a nourri le Brexit ». Le deuxième axe concerne « un nouveau modèle européen de production et de solidarité et de régulation » afin de tirer les leçons de la pandémie de Covid et de réussir les transitions numérique et climatique. Un sommet en mars visera à donner l'impulsion à cette transformation. Le président a plaidé pour des règles budgétaires et financières adaptées dans cet objectif. Emmanuel Macron a aussi souligné l'objectif de « concilier compétitivité industrielle et ambitions climatiques » avec « une politique d'investissement cohérente ». Il a rappelé le projet de mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, une taxe carbone pour les produits importés de pays qui ne font pas les mêmes efforts pour le climat. Le président a aussi rappelé qu'il souhaitait interdire les produits qui contribuent à la déforestation. Toujours dans l'objectif d'un nouveau modèle européen, Emmanuel Macron a expliqué vouloir soutenir les acteurs européens du numérique pour faire de l'Europe une puissance du secteur, avec un « vrai marché unique » et ses propres règles.
Des élections présidentielles et législatives qui tombent au même moment que la présidence du conseil de l'Union Européenne
La présidence du Conseil de l’UE a désormais deux visages pour Emmanuel Macron : celle d’une carte à jouer pour dessiner le futur de l’Europe et celle d’une épine, venue s’implanter dans le calendrier politique au mauvais moment. Mais le président de la République le clame haut et fort : « Nous n'avons pas choisi le calendrier. Nous avons essayé de bouger les choses mais ceux qui venaient avant ou après avaient eux-mêmes des périodes électorales ». Et d'ajouter : « Le mandat que m'ont confié les Françaises et les Français, je l'exercerai jusqu'au dernier quart d'heure ». Certains voient en cette présidence un risque d'instrumentalisation politique : le fait que cette présidence se transforme en exercice de communication personnelle destinée à porter un possible candidat Macron vers la présidentielle.
Quelle marge de manœuvre face à des pays anti-européen ?
La Pologne
La Commission européenne vient de lancer il y a quelques jours une procédure d'infraction contre la Pologne. Une décision qui est loin d'être une surprise. Voici de longs mois que les instances européennes mènent un bras de fer avec le gouvernement polonais; depuis que le Tribunal constitutionnel polonais a statué sur la primauté du droit national sur celui européen. Le 27 octobre déjà, la Pologne était condamnée à des astreintes par la justice européenne : à un million d'euros par jour pour faire cesser le fonctionnement de la controversée chambre disciplinaire de la Cour suprême. En septembre, elle a été condamnée à 500.00 euros par jour pour l'obliger à fermer une mine de lignite. Ces réformes, accusées de saper l'indépendance des juges, ont valu à la Pologne plusieurs condamnations par la cour de justice de l'UE. La Pologne justifie ces changements par sa volonté de lutter contre la corruption au sein de la magistrature. En conséquence, depuis plusieurs mois, la Commission européenne bloque la somme de 23,9 milliards d'euros de subventions prévue pour le plan de relance post-Covid de la Pologne. Bruxelles exige en particulier de la Pologne qu'elle fasse cesser les activités de la chambre disciplinaire des juges. En vain jusqu'à présent.
La Hongrie
Mais la Pologne n'est pas la seule à connaitre des différends avec l'Union Européenne. En ce qui concerne la Hongrie, le conflit porte davantage sur les risques de corruption et la capacité de l'appareil judiciaire à les contrecarrer. C'est pourquoi la commission Européenne a renoncé à approuver les plans de relance nationaux du pays. La Hongrie de Victor Orban ne recevra pas l'acompte auquel ont eu droit 18 autres Etats membres à ce jour. Elle aurait du toucher 13% des 7,2 milliards d'euros de subventions que le pays doit recevoir au cours des cinq prochaines années. Le gouvernement hongrois est également dans le collimateur de ses partenaires pour avoir adopté une loi accusée de porter atteinte aux droits des personnes LGBT. Reste à attendre les élections qui auront lieu en avril mais pour l’instant Viktor Orban fait figure de favori…
La Roumanie
La Pologne et la Hongrie pourraient être imitées par la Roumanie pour défaillance de l'État de droit. Mais cette fois-ci, ce serait la lenteur de la lutte contre la corruption en Roumanie qui serait en jeu. Une unité spéciale du parquet a été créée par le pouvoir pour “surveiller” les magistrats et cette unité n’a toujours pas été supprimée, malgré les demandes européennes et l’absence de réformes judiciaires. La Cour constitutionnelle roumaine a nié la suprématie du droit européen. Cela commence à faire beaucoup pour la patience de Bruxelles.
Comment Emmanuel Macron parviendra t'il à imposer ses objectifs alors que certains pays sont anti-européens ? Comment parviendra t'il à mener la présidence de la république française, du conseil de l'Union Européenne et une possible candidature à l'élection présidentielle de 2022 ? Nous en débattons avec nos invités...