L'écrivain britannique d'origine indienne Salman Rushdie est né en 1947 à Bombay, l’année de l’indépendance de l'Inde. Il part à Londres en 1960 pour étudier, puis à Cambridge, avant de travailler dans une agence de publicité, et d'éditer son premier roman. C'est son second roman, qui lui fait rencontrer le succès, Les Enfants de minuit, portant sur l'Inde, et qui lui valut le succès, avec notamment le Booker Prize et The Best of the Booker en 1981. Premier volet d'une trilogie, s'ensuit alors La Honte (1983) qui parle du Pakistan et enfin Les Versets sataniques (1988) qui traite de l'exil et du déracinement. On peut citer également Furie (2001) ou son autobiographie écrite à la troisième personne Joseph Anton, mais encore certains de ses essais comme Le Sourire du jaguar (1987) et Franchissez la ligne (2002). Salman Rushdie est l'auteur d'un style mêlant mythes et faits réels, qualifié de "réalisme magique". Dans cette Masterclasse, Salman Rushdie revient sur l'importance du cinéma dans sa jeunesse en Inde, mais aussi en Angleterre, ainsi que, bien sûr, de la lecture, et sur ses études d'histoire avant d'étudier la littérature. Michel Zlotowski en assure la traduction
Salman Rushdie : "Quand j’étais à l’Université, je n’ai pas étudié la littérature mais l’Histoire. Ça été très important, d’apprendre la méthode historique, comment comprendre le monde. Une grande partie de mon travail a à voir avec l’Histoire, ancienne et contemporaine. J'ai eu un professeur d'Histoire brillant, qui m'avait dit : "N'écris jamais l'histoire si tu ne peux pas entendre les gens parler". C'est une leçon merveilleuse pour l'écriture de la fiction. Lorsque j'essaie de créer un personnage, je commence par me demander comment parle-t-il ? Quelle est l'étendue de son vocabulaire ? Est-ce qu'il est bavard ? Utilise-t-il des gros mots ? Après, je sais qui il est et je peux écrire. On ne peut pas se permettre d’attendre l'inspiration. Sinon, on ne termine jamais son livre. Un roman c’est comme un marathon, la seule façon de courir, c’est d’attendre le kilomètre suivant, on pense aux trois pas suivants… et vous savez que la ligne d’arrivée va arriver au bout... La fiction, c’est un pas après l’autre, un jour après l’autre. Mais je pense que je suis inhabituel. Beaucoup d’écrivains ne travaillent pas comme ça."
L'humour grinçant
Suite à la publication en septembre 1988 des Versets sataniques, une fatwa réclamant son exécution est émise sur Radio Téhéran le 14 février 1989 par l’ayatollah Rouhollah Khomeini, dénonçant le livre comme "blasphématoire" envers l’islam. Sa principale réponse, c’est d’avoir continué son travail d’écriture, avec l'humour comme constante. Il a été anobli en 2007 par la Reine d’Angleterre.
Salman Rushdie: "Quand j’ai commencé à écrire, tout le monde me disait que mes livres étaient drôles. Avec ce qui s’est passé lors de la publication des "Versets sataniques", il y a eu un changement bizarre. Ce qui est arrivé n’était pas drôle et les gens ont décidé que c’est moi qui n’était pas drôle. Dans mes deux derniers livres, les gens ont redécouvert que mes livres pouvaient être drôles. C'est comme si j'étais sorti d'un tunnel long et sombre, car tous mes livres sont drôles, même "Les Versets sataniques". En tant que lecteur, je n’aime pas des livres sans sens de l’humour. C’est comme Zola par exemple… "
De l’Inde à l'Angleterre, de l'Angleterre vers l’Amérique
Salman Rushdie: "C’est très difficile d’établir une version formelle de la réalité. Il y a des narratifs conflictuels qui se battent pour le même espace. Cette idée de narratif en collision m’a été important. Le narratif britannique de l’Empire est très différent de celui des pays colonisés ; je suis né deux mois avant l'indépendance de l'Inde. Quand j’étais enfant, les manuels étaient encore ceux de l’empire colonial britannique, les Britanniques étaient les héros et les Indiens qui résistaient étaient des méchants. Les méchants sont devenus les héros, et les héros les méchants. Ça a été une leçon pour moi... On se rend compte que l’histoire est écrite par les vainqueurs. Cela donne une perspective. Il faut toujours chercher un autre récit. Peut-être qu’un autre angle contient plus de vérité."
Pour aller plus loin
Site officiel de l'écrivain. Salman Rushdie est l’un des contributeurs de la revue culturelle La Règle du jeu.
Salman Rushdie, ou le portrait indien : article de Marc Porée, professeur à l'Université Paris III Sorbonne Nouvelle, paru dans la revue Sillages critiques en 2001.
Débat avec Salman Rushdie : une conférence donnée à la BnF le 17 juin 2008, en ligne sur Gallica.
J'ai lu les Versets Sataniques de Salman Rushdie : une lecture de Jean-Marie Gaudeul, publiée dans Hommes et Migrations, n°1122, mai 1989. En ligne sur le portail Persée.
Lettre de Salman Rushdie au six milliardième humain, à lire sur le site des correspondances et des lettres.