0 avis
Philippe Etienne:"La Hongrie a clairement cherché à ralentir l'UE sur le soutien à l'Ukraine"
Edité par France 24 - 2024
Certains pensent que le président américain Joe Biden n’a plus les capacités de rempiler pour un deuxième mandat et devrait céder sa place. "Le débat télévisé a été totalement manqué", nous dit Philippe Etienne, "il y a actuellement de grosses interrogations au sein du camp démocrate et les interventions du président Biden ces jours-ci vont être très importantes". Mais pour l’Ambassadeur de France, l’avenir outre-Atlantique est incertain : "Joe Biden a dit qu'il se maintenait, mais on ne peut pas exclure que la pression pour désigner un autre candidat se fasse encore plus forte. Mais il ne s’agit pas seulement de changer de candidat, il faut aussi savoir quel autre candidat et selon quelle procédure. Ce n'est pas si simple."
Philippe Etienne ne croit pas à une victoire inéluctable de Donald Trump : "les États-Unis sont une très grande démocratie et même si le système électoral américain peut sembler étrange à certains, cette démocratie américaine fonctionne, et le résultat du scrutin de novembre ne sera pas faussé, mais peut-être de nouveau contesté".
L’Union européenne émet des inquiétudes dans le cas d’une victoire de Donald Trump et l’ancien Ambassadeur en convient : "si l'on se fie au précédent mandat de Donald Trump, il avait une attitude beaucoup plus critique vis-à-vis de l'Union européenne que les démocrates et Joe Biden depuis qu'il est président. Mais quel que soit le résultat de cette élection, les Européens doivent faire face à leurs propres sujets. Nous avons, nous, Européens, nos propres contraintes, nos propres défis. La défense en est un et il faut que nous développions cette défense européenne". Pour stopper la guerre en Ukraine, Donald Trump a parlé d’instaurer la négociation entre Moscou et Kiev : "Il n'a pas dit qu'il interromprait immédiatement le soutien à l'Ukraine mais, implicitement, le soutien à l'Ukraine serait en quelque sorte lié à cet effort de négociation. Les Américains ont tort de considérer que la guerre en Ukraine est un problème européen, parce que l'agression par un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU sur un pays voisin est une menace à l'ordre international en général", affirme-t-il.
Inquiétude au sein de l’Union européenne, depuis que la Hongrie du pro-russe Viktor Orban a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE pour six mois après que celui-ci s’est rendu à Moscou pour discuter avec Vladimir Poutine. Mais Philippe Etienne se veut rassurant : "La Hongrie a clairement cherché à s'opposer ou à ralentir des décisions européennes sur le soutien à l'Ukraine mais n'a jamais réussi. Et depuis 2012 et le traité de Lisbonne, le pays qui tient la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne ne préside aucune autre institution, ce qui limite son rôle dans le domaine de la politique étrangère". Viktor Orban s’est aussi rendu à Kiev, pour la première fois depuis douze ans, pour "jouer un rôle d'honnête courtier comme certains de ses conseillers ou ministres l'ont dit", nous précise Philippe Etienne, "il veut montrer qu'il est un facteur de paix. Mais les autorités hongroises actuelles disent que ça ne change pas pour autant la position de la Hongrie sur le fond, et le gouvernement hongrois cherchera clairement à jouer de cette présidence pour favoriser telle ou telle de ses positions".
Le Premier ministre hongrois profite par ailleurs des récentes élections européennes pour tenter de créer une alliance politique de droite radicale au Parlement européen, cherchant à rallier à lui certains partis. C’est un objectif établi de Viktor Orban, selon Philippe Etienne : "Le résultat des élections au Parlement européen l'aide parce qu'il manifeste une poussée des forces eurosceptiques à droite nettement plus en ligne avec lui dans plusieurs pays", avec par exemple le FPÖ autrichien ou le parti ANO du Premier ministre tchèque Andrej Babis, alors que d’autres ont d’ores et déjà refusé cette alliance, comme le parti Droit et Justice en Pologne.
Ce jeudi 4 juillet, les Britanniques étaient appelés aux urnes pour un scrutin qui s’est révélé historique mais dont le résultat "n’a étonné personne" : après 14 ans de gouvernement conservateur, les travaillistes l’ont emporté à la Chambre des Communes avec une très large majorité de 410 sièges sur 650. Keir Starmer succède donc à Rishi Sunak au 10 Downing Street, et ce sera "extrêmement intéressant à suivre", nous dit Philippe Etienne, qui est optimiste sur l’avenir des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne qui vont être "beaucoup plus paisibles", même si revenir sur le Brexit ou réintégrer le Marché unique semble être totalement exclu. "Il y a un domaine où elles peuvent gagner de la substance sans revenir sur les grandes décisions économiques, c'est les questions de défense et de sécurité", prédit Philippe Etienne.
En tant que président de la Mission de commémoration des 80 ans de la Libération, Philippe Etienne rappelle que la Russie n’a pas participé au Débarquement, "par leur faute, en raison de la guerre en Ukraine qu’ils ont déclenchée : mais il a tout de même été largement question du rôle de l’Armée Rouge lors des discours et événements". Mais ce qu’il tient surtout à souligner, c’est que ces commémorations "ont clairement rappelé à notre opinion, et surtout à notre jeunesse, le prix de la liberté, ne serait-ce que par la présence de ces vétérans américains, britanniques, français et autres, des personnes âgées d’une centaine d’années qui sont quand même venus, qui ont voulu rencontrer les jeunes. Et c'était un privilège extraordinaire pour notre pays de les accueillir et de pouvoir leur dire merci, mais aussi de pouvoir les mettre en contact avec les jeunes générations", conclut-il.
Emission préparée par Sophie Samaille, Elitsa Gadeva et Perrine Desplats