François-Xavier Bellamy: "Ursula von der Leyen a largement contribué à fragiliser l’Europe"

Caroline DE CAMARET

Edité par France 24 - 2024

Présent au Salon de l’Agriculture, François-Xavier Bellamy entendait y prouver son attachement à la cause des agriculteurs : "Ça fait maintenant des mois, des années qu'ils disent leur angoisse parce que l'Europe n'a cessé de leur rendre la vie de plus en plus compliquée, comme si le but était de les empêcher de produire". Il pointe du doigt les élus des groupes des Verts, de la gauche et de Renew Europe, "qui ont porté dans l’hémicycle un projet de décroissance", selon lui, entre autres à travers le projet de loi sur la restauration de la nature, symbolique du Pacte Vert pour protéger les écosystèmes. Il a voté contre, dénonçant "une vision complètement idéologique de l'écologie" et regrette que ce texte soit passé : "Il ne protège pas les écosystèmes, au contraire, il les met en danger".

Selon lui, "c'est la lutte contre l'idéologie et la décroissance qui a marqué ce mandat" de cinq ans. Pour le prochain, il a pour projet d’"imposer un principe de non régression économique qui dirait qu'on n'a pas le droit de voter un texte si son étude d'impact montre qu'il ferait baisser la production dans nos pays, ce qui est le cas de la loi Restauration de la nature".

Contre plusieurs texte du Pacte Vert, le PPE a formé un vote de rejet avec les groupes d’extrême droite des Conservateurs et Réformistes européens et Identité et Démocratie. Mais pour François-Xavier Bellamy, "il n'y a pas de majorité constante au Parlement européen, il n'y a pas d'accords de coalition et les majorités se font selon les textes. [...] Nous avons vu se construire une majorité constituée par les socialistes, les Verts, les députés macronistes pro-Pacte Vert, et ça ne les dérange pas, eux, de voter avec l'extrême gauche pour organiser la décroissance de l'Europe."

"Le compte n'y est pas"

Les 6 et 7 mars prochains, le PPE se réunit à Bucarest pour son congrès. Il devrait y renouveler sa confiance à l’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et l’investir comme Spitzenkandidat ("candidat tête de liste") du groupe pour un second mandat à ce poste. Ce qui n’est pas du goût des Républicains de François-Xavier Bellamy : "Nous nous sommes opposés à la perspective d'un nouveau mandat d'Ursula von der Leyen, simplement parce que nous regardons le bilan et nous sommes nombreux au PPE à dire qu’il n'est pas conforme à ce qu'on doit attendre aujourd'hui d'une Commission européenne qui a pour mission de renforcer l'Europe et qui aura très largement contribué à la fragiliser au cours des dernières années".

En 2019, Ursula von der Leyen a fait du Pacte Vert la priorité de sa mandature : "Il y a beaucoup de textes dans le Pacte vert, [...] et il y en a certains qu'on a soutenus et qu'on est fiers d'avoir portés, comme le mécanisme d’ajustement carbone au frontières, parce que c’est ça l’écologie dont on a besoin. [...] Mais quand Ursula von der Leyen, avec la stratégie qui la rendait otage de l'agenda des Socialistes et des Verts, a poussé pour des mesures qui ont créé plus de complexité, plus de contraintes, plus de régulations – avec d'une certaine façon, la certitude que cela aboutirait à fragiliser la production en Europe –, évidemment, nous ne pouvons pas la suivre. [...] La cohérence veut que nous disions aujourd'hui qu'au terme de ce mandat, le compte n'y est pas."

"Un président de la République qui allume des incendies"

À droite, en France, les sondages créditent la liste Bellamy de 8 % d’intentions de vote pour le scrutin de juin, au coude à coude avec la liste Reconquête! de Marion Maréchal. Jordan Bardella et le Rassemblement national naviguent à 20 points au-dessus. Pour le chef de file, il n’y a pas de risque de voir son parti faire moins de 5 %, et donc disparaître de l’hémicycle européen. "Je crois surtout qu'il y a une chance que la droite française réussisse à retrouver sa place dans cette élection européenne. Il y a une vraie chance et il y a un vrai moment. [...] Les Français veulent retrouver une politique qui les prenne au sérieux et, malheureusement, le faux débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, c'est le faux débat entre deux organisations qui fondent tout sur la communication", analyse-t-il.

"On voit un président de la République qui allume des incendies qu'il essaye d'éteindre lui-même. [...] On voit un Rassemblement national qui dit tout et son contraire sur les sujets agricoles. Tout et son contraire, quand il propose les prix plancher qui sont la solution de LFI pour l'agriculture française et que dès que le président de la République se rallie à cette idée d'un seul coup, le Rassemblement national finit par abandonner et changer complètement de discours. Ça n'a aucun sens. [...] Il faut retrouver le sens de l'action politique. [...] Parlons du fond et on verra que la droite française est la seule qui répond aux questions que se pose le pays aujourd'hui", car "finalement, en politique, la constance a du sens, la clarté compte, le sérieux finit par payer", estime le Républicain.

L'avortement "n’est pas une compétence européenne"

Après l’Assemblée nationale le 30 janvier, le Sénat a voté mercredi à la grande majorité pour l’inscription d’une liberté garantie au recours à l’avortement dans la Constitution française. Pour François-Xavier Bellamy, ce sujet "n’est pas une compétence européenne" et il ne faut pas "voler aux Français cette élection en détournant leur attention vers des sujets qui ne concernent pas le débat européen". Il se veut dans la ligne de son parti, pourtant très partagé sur le sujet : "Notre famille politique assume sa ligne, elle n'a aucun problème avec ça. [...] La Constitution, ce n'est pas un catalogue de droits sociaux. [...] Ce droit existe déjà et, quoi que vous en disiez, il n'est pas remis en cause en France, aucune formation politique ne le remet en question."

Selon lui, "le vrai sujet pour le féminisme, il est par exemple dans le combat que nous avons mené contre la gauche ici au Parlement européen pour faire en sorte que la Commission européenne arrête de financer des propagandes qui disaient que 'la liberté c’est le hijab'. Et pourtant, on voit des organisations islamistes qui avancent dans nos institutions en exploitant leur naïveté pour leur faire porter un discours qui ne correspond ni à nos principes ni à nos intérêts !"

Hostile à de "nouveaux élargissements" de l'UE

Le 26 février dernier, Emmanuel Macron a tenu à Paris une conférence de soutien à l’Ukraine, à l’issue de laquelle il a évoqué l’éventualité d’envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine, déclaration de laquelle beaucoup d’alliés se sont rapidement désolidarisés, y compris l’Otan. Pour François-Xavier Bellamy, "ce manque de sérieux, ce goût de la communication permanente, cette espèce de légèreté et de désinvolture incroyable est d'une gravité inouïe quand on parle d'un sujet comme celui d'une guerre. [...] En faisant cela, il expose notre pays, il met un continent en danger. Et il contribue à fragiliser la cause absolument nécessaire de la défense de l'Ukraine face à l’agression de la Russie".

À son avis, "les Ukrainiens ne demandent pas que nous leur promettions d'envoyer des hommes au sol. [...] Ils demandent le soutien matériel dont ils ont besoin maintenant [...] et que nous fassions en sorte effectivement de leur donner dans la durée les moyens de conduire cette guerre. [...] Et si demain les Ukrainiens devaient plier face à l'agression de la Russie, ce serait notre propre sécurité qui serait mise en jeu. Si l'on veut faire en sorte d'éviter ce scénario catastrophe, alors faisons ce qui concrètement est attendu par les Ukrainiens, et certainement pas ces fausses promesses qui mettent en danger la sécurité du continent", s’alarme François Xavier Bellamy. 

Dans ce contexte, il se prononce contre une adhésion pleine et entière de l’Ukraine à l'UE. "Cela me semble être une fausse promesse", nous dit l’eurodéputé du PPE, "d'abord, on le voit, tous les processus d'adhésion sont aujourd'hui à l'arrêt, [...] et à 27, nous n'arrivons pas à avoir un processus de décision qui fonctionne correctement. Comment imaginer que demain, on puisse aller vers de nouveaux élargissements ?" Et d'ajouter que "les différences structurelles entre l'Ukraine et nos pays sont si grandes [...] que faire entrer l'Ukraine dans l'Europe, ce serait déstabiliser directement toutes les politiques européennes"

À l’Ukraine et aux autres pays qui attendent leur adhésion pleine et entière à l’UE, François-Xavier Bellamy propose de "créer un statut intermédiaire qui fera en sorte qu'ils soient liés au continent européen, arrimés à l'Europe, à nos principes, qu'ils soient reliés à notre agenda, mais sans être pour autant membres à part entière de l'Union européenne. C'est cela qu'il faut inventer pour eux et avec eux, bien sûr", conclut-il.

Une émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Sophie Samaille

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