Podcast

Victoire Tuaillon : une révolution romantique de l'amour est-elle possible ?

Charles Pépin
Diffusé le mardi, 23 juillet 2024 (49 min)


Créatrice des podcasts à succès "Les Couilles sur la table" et "Le Cœur sur la table", tous deux édités chez Binge, Victoire Tuaillon vient nous parler d'amour, de polyamour, et surtout nous inviter à une révolution romantique de la manière de faire relation.


Victoire Tuaillon Productrice du podcast "Les Couilles sur la Table"



   
Provient de l'émission
Sous le soleil de Platon

Au programme
  • L'édito de Charles Pépin : "J’aimerais vous raconter l’histoire d’un homme qui a tout compris à son époque.

    Quand une de ses amantes lui demande plus d’engagement, il lui répond qu’elle en est encore là ? À attendre son prince charmant ? Quand une autre de ses amantes lui reproche ses infidélités, il lui propose d’essayer cette belle révolution du polyamour. Tu verras, lui dit-il, c’est canon, tu vas adorer, on s’enrichira de ce qu’on vit avec les autres et ça n’en sera que meilleur entre nous. Quand une autre encore de ses amantes lui parle de son plaisir, il le prend surtout comme un compliment : c’est visiblement d’abord à son égo que cela fait plaisir.

    Bref, tout change mais rien ne change : les formes sont différentes mais le fond est le même. Il prend tous les prétextes du monde qui change pour continuer à dominer. Jamais le bon mot d’Ovidie n’aura été si vrai : discours de mec de gauche, posture de mec de gauche, mais il continue à baiser comme un mec de droite.

    Jusqu’au jour où… elle lui balance ses quatre vérités :

    - Quand je te demande de l’engagement, je ne te demande pas de me protéger, encore moins de me sauver, juste d’avoir ce charme – mais visiblement c’est trop pour toi – de savoir faire attention, de savoir prendre soin, et je te promets que ça ne t’empêchera pas de prendre du plaisir. Le polyamour je veux bien, j’y crois figure-toi, j’ai même déjà essayé… Mais déjà que tu n’arrives pas à prendre soin d’une seule, alors je me demande comment tu vas faire avec plusieurs ! Quant à mon plaisir, je suis contente qu’il te fasse plaisir, mais je ne pensais pas t’offrir une médaille, je voulais plutôt t’offrir un aperçu sur tout ce qui t’échappe, mais bon…

    Est-ce qu’il le prend mal ? Est-ce qu’il comprend ce qu’elle lui dit ? Est-ce qu’il comprend la révolution qui est en cours ? Est-ce qu’il comprend qu’on peut s’aimer autrement, inventer de nouvelles manières de s’aimer, de nouvelles manières d’être en relation en même temps que changer les conditions matérielles, économiques, concrètes… de nos histoires d’amour ? Il la regarde. Il comprend en tout cas qu’elle est un peu énervée. Calme, mais énervée. Il la sent s’éloigner, se détacher ; elle lui échappe déjà. Elle se lève, elle se casse et sa manière de se retourner pour lui dire au revoir est déjà, en elle-même, une petite révolution.

    Pour en parler ce matin, de cette petite révolution et peut-être de la grande, de la grande révolution romantique de l’amour, j’ai la joie de recevoir une journaliste et essayiste qui est aussi l'une des podcasteuses les plus écoutées de France. Après son podcast "Les Couilles sur la table" (Binge), devenu un livre à succès, elle a réalisé un podcast documentaire sur l’amour, "Le Cœur sur la table" (Binge), devenu lui aussi un livre à succès – Victoire Tuaillon, donc, vous l’avez reconnue, nous a rejoint dans la caverne de France Inter, sous le soleil peut-être un peu trop masculin de Platon, pour cheminer avec nous aux abords de cette belle et excitante question : une révolution romantique de l’amour est-elle possible ?"

    Qu'est-ce qui pourrait sauver l'amour ?

    Pour l'invitée, le féminisme est toujours un grand mouvement politique et influence forcément les relations amoureuses : "On ne peut pas avoir vécu et être en train de vivre un mouvement social de l'ampleur et de la profondeur de MeToo, de ce grand mouvement de dénonciation des violences sexistes et sexuelles, et de cette revendication des individus à la liberté de leur propre corps, sans que ça ait des conséquences sur la façon dont on envisage les relations familiales, amicales, amoureuses, toutes les relations affectives."

    Pour Victoire Tuaillon, les relations sont des créatures vivantes, desquelles on peut prendre soin et pour lesquelles on peut imaginer toutes sortes de nouvelles configurations. On peut donc nourrir cette relation, mais il y a aussi le sol dans lequel elle va pouvoir se développer, un peu comme une plante. Donc la nourrir, c'est travailler sur la relation, l'intersubjectif, l'écoute, la confiance, le respect, la tolérance. Mais le sol, ce sont les conditions économiques, concrètes, matérielles. Il y aurait d'un côté quelque chose de relationnel, et de l'autre côté quelque chose d'un peu marxiste. Il faudrait associer les deux dans la révolution romantique qu'elle appelle de ses vœux.

    Pour elle, les inégalités de genre, notamment sociales et économiques, entravent l'amour. Par exemple, c'est difficile pour une femme qui a la charge mentale sur elle, quand elle s'occupe toute seule de la maison, quand elle est moins payée, etc. d'aimer, car on en veut à l'autre, et ça va évidemment impacter la qualité de la relation amoureuse. Victoire Tuaillon évoque en premier lieu le partage des richesses pour sauver l'amour. Pour elle : "Il faut qu'on ait des conditions matérielles propices à ce qu'on puisse s'aimer les uns les autres. On n'est pas dans des conditions très propices parce que les gens travaillent trop, par exemple. Parce qu'il y a plein de personnes qui n'ont pas le temps, pas la disponibilité d'esprit. On passe plus de temps avec des collègues qu'avec des membres de notre famille, avec nos enfants, avec les personnes qu'on aime." Certaines femmes doivent être en couple aussi, pour des questions économiques. Elles ne peuvent pas subvenir à leurs besoins seules.

    Pour Victoire Tuaillon, le temps pris par le travail, par la consommation, par la compensation de tout ce qui nous blesse et de ce qui nous aliène, c'est du temps qui est pris à l'espace où l'on peut s'aimer. Pour elle, de grandes politiques publiques d'éducation à la vie affective et sexuelle correctes, ça sauve l'amour aussi. Des politiques publiques de lutte contre les violences sexistes également. Il faudrait à la fois aller du côté de la créativité mentale et puis du côté des politiques publiques.

    Les masculinités, et le consentement

    Selon Victoire Tuaillon, le sort des hommes n'est pas non plus enviable, même celui des hommes dominants aujourd'hui. "Je ne crois pas que ce soit une vie enviable que celle des hommes, même des hommes dominants aujourd'hui. Je ne trouve pas que ce soit si drôle que ça l'assignation à laquelle ils obéissent aussi d'être forts, de ne pas parler, de se battre et quelque part de vivre leur vie grandement dissociée." Elle ajoute que la masculinité, en tout cas la succession d'événements, de comportements qui font des garçons des hommes, c'est en effet une entreprise de dissociation. Pour elle, cette dissociation – de ne pas être en contact avec ce qu'on ressent, de ne pas être en contact avec l'empathie, de ne pas être capable de comprendre les autres – est aussi un obstacle à des relations affectives profondes et riches.

    Et puis, on a besoin de modèles, selon elle. Elle se dit frappée quand elle entend les débats contemporains sur le consentement, sur les nouvelles relations, les nouveaux codes sexuels, ou en tout cas ce que beaucoup fantasment comme étant de nouveaux codes sexuels, comme une volonté supposée des féministes de faire signer des contrats au début de chaque relation sexuelle. Victoire Tuaillon : "Personne n'a jamais parlé de ça chez les féministes. Ce qui me frappe à chaque fois, c'est le manque d'imagination que ces craintes dénotent. Oui, c'est très pauvre. Comme si on avait simplement le choix entre avoir des relations sexuelles sans parler et puis signer un contrat au début avec la liste des actes auxquels on consent. Je me dis, mais quelle tristesse ! Cela montre quelle vision de la vie sexuelle ont tous ces détracteurs du féminisme. Alors que chez les féministes, il y a une célébration de l'érotisme aussi, de la sexualité consentie, librement désirée, enthousiaste et très créative, justement. Parce que nous savons que la sexualité est un langage."

    -> Pour en savoir plus, écoutez cette émission...

    A lire et à écouter :

    Victoire Tuaillon, Le coeur sur la table, en podcast et en livre.

    Programmation musicale :

    Juliette Armanet & Sebastian, Vertigo

    James Blake, Thrown around

    Générique :

    Futuro Pelo

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Sous le soleil de Platon
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  • Radio France
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