Cette semaine, l'émission du Meilleur des mondes menée par François Saltiel et en partenariat avec le magazine Usbek & Rica s'intéresse à l'avatarisation du monde. Un sujet technologique, économique et surtout social qui amène à de nombreuses questions : quel est le lien historique qui unit théorie du cyberespace et imaginaire de la disparition du corps ? Qui sont les grands acteurs qui déploient les plateformes, les outils du métavers ? Comment l’Europe se positionne sur ce marché naissant, mais prometteur ? Comment interpréter ce « relâchement de la civilité », en quoi cela est-il lié à la disparition du visage et la multiplicité des identités ?
Des questions auxquelles répondront David Le Breton, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg et auteur de Des Visages. Une anthropologie (Ed. Métaillé, 1992 rééditée en 2022) et L’adieu au corps (Ed. Métaillé, 1999), Leila Mörch, spécialiste des enjeux de modération sur les plateformes numériques et Blaise Mao, rédacteur en chef du magazine Usbek et Rica.
Représentation du corps : entre monétisation et rupture anthropologique
Il y a environ un an, Mark Zuckerberg annonçait le changement de nom du groupe Facebook, pour devenir le groupe Meta. Cette décision était mûrement réfléchie, en devenant Méta le groupe annonçait aussi son futur projet : la création d’un Metavers, un monde virtuel et synchrone et interconnecté.
Depuis, ce projet de réalité virtuelle s’implante de plus en plus dans les esprits, amenant à s’interroger sur la place du corps dans cet univers numérique et technologique. Pour Blaise Mao, rédacteur en chef du magazine Usbek et Rica, la représentation de celui-ci est aussi un sujet qui questionne quant à l'optimisation économique des corps intégrés dans ces nouveaux univers : « Le groupe Facebook n'avait pas trouvé de manières de monétiser l'usage des jambes dans le Métavers. Donc on était sur des « hommes-troncs » pour pouvoir faire des réunions équivalentes à des réunions zoom de travail. Je trouve que ça dit beaucoup de choses concernant la vision du Métavers de Facebook. C'est-à-dire que s'il n'y a de conversion monétaire d'un usage du corps, il n'y a pas d'usage de ce corps. »
Pour le professeur de sociologie et auteur, David Le Breton, cette représentation du corps à travers un monde virtuel est une réelle rupture anthropologique : « Là, c'est une rupture anthropologique assez saisissante qui se prolonge avec le numérique qui nous permet justement d'échapper à la « pesanteur du corps » dans une sorte d'échappée-belle pour vivre, pour disparaître de soi. Parce que pour moi, le numérique est un avatar de ce que j'avais analysé comme la disparition de soi, on veut assumer des identités diverses de ce qu'on est dans la vie quotidienne. »
Monde virtuel et anonymat : un duo délicat
Comme sur les réseaux sociaux, la question de l'anonymat est aussi d'actualité dans les mondes virtuels.
Alors que de nombreuses réalités et de nombreuses images - comme la situation en Iran - sont dévoilées sur les réseaux sociaux grâce à cet anonymat, Leila Mörch, spécialiste des enjeux de modération sur les plateformes numériques, interroge sur le sujet : « Finalement, comment avoir une sorte de civisme en ligne qui soit permis par le fait que chaque personne qui fait une action néfaste puisse être responsable de ses actions, sans oublier que l'anonymat est quand même à la base de certains types de journalisme, de lanceurs d'alerte, qu’il est essentiel lorsqu'on n'est pas dans un état de droit. »
Invités
- David Le Breton, professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg et auteur de Des Visages. Une anthropologie (Ed. Métailié, 1992 réédité en 2022.) et L’adieu au corps (Ed. Métailié, 1999.)
- Leila Mörch, spécialiste des enjeux de modération sur les plateformes numériques
Une émission en partenariat avec Usbek & Rica.