Dans cette émission, François Saltiel propose de s’intéresser à la question de la surveillance des foules dans nos villes. Comment les technologies participent-elles à la réalisation des « Safe Cities », un dérivé des « smart cities », ces villes que l’on dit intelligentes et qui devraient encore plus nous héberger dans le futur.
Mais le présent, c’est l’affaire du stade de France: une débâcle sécuritaire, encore trouble, qui a relancé les débats sur les outils et moyens d’une surveillance étatique.
En parlant de sport, on pense aussi aux JO qui se dérouleront en 2024 à Paris. Cet événement va-t-il se transformer en laboratoire grandeur nature pour l’industrie sécuritaire ? De la reconnaissance faciale aux drones de surveillance, où en sommes-nous de l’usage de ces dispositifs et quid de nos libertés ?
Des questions passionnantes avec Olivier Tesquet, journaliste spécialiste des questions numériques à Télérama et auteur de Etat d’urgence technologique (Ed. Premier parallèle, 2021), Anne-Sophie Simpere, responsable plaidoyer libertés à Amnesty International et co-autrice de Comment l'Etat s'attaque à nos Libertés (Ed. Plon, 2022) et Antoine Picon, architecte, ingénieur, professeur au Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés, pour y répondre !
La "smart city" et ses problématiques
Depuis le début des années 2000 et l'émergence du concept de "smart city" de nombreux acteurs de l'industrie technologique envisage les métropoles comme de nouveaux marchés potentiels. Antoine Picon, architecte et historien revient sur ce phénomène : “Cela commence dans les années 2000-2005, au moment où les géants du numérique cherchent à prospecter de nouveaux marchés et découvrent que la ville peut être un marché riche de possibilités. Ce constat fait effet boule de neige puisque cela attise à la fois l'intérêt des maires qui cherchent à gouverner leurs villes et des ‘civic hackers’ qui s'intéressent à l’exploitation des données et à leur usages commerciaux. En 2010, le terme 'smart citiy' fait son essor et laisse penser que ce concept est la solution à tous les problèmes de l’urbain.”
Néanmoins, Olivier Tesquet, journaliste, rappelle que ce phénomène comporte des défaillances et l’illustre par les débordements au stade de France qui ont eu lieu le 28 mai. "La vidéosurveillance est toujours le remède magique. Pourtant, parfois on a la preuve éclatante que cela n’a aucune utilité si derrière, on n'a pas des processus dignes de ce nom. Et là, en l'occurrence, ces images existaient, le stade de france les a gardé pendant 7 jours et se sont ensuite supprimées automatiquement. (...) Je remarque que ce n'est pas la première fois que des images de vidéosurveillance, qui pourraient être utiles pour faire émerger la vérité, disparaissent. C’est quelque chose qui s’apparente donc à la destruction de preuves, traduisant la défaillance de ce système.”
Les menaces de la surveillance de masse
Alors que certains affirment que la reconnaissance faciale s’inscrit dans le progrès et accroît la sécurité dans les villes, d’autres s’interrogent sur les menaces qu'un tel dispositif peut faire peser sur nos libertés fondamentales. Olivier Tesquet, fait partie des observateurs inquiets : “Cette technologie révèle des inégalités de territoires, des inégalités sociales qui sont de plus en plus fortes. Il y a à la fois une technologisation au profit des plus privilégiés, comme on l’observe aux Etats-Unis avec les caméras Ring qui sont vendues par Amazon. Chacun participe à cette surveillance en transformant son domicile en annexe d'un commissariat avec cette idée qu'on va faire des "gated communities" , phénomène aux Etats-Unis où on tient à l'écart des populations qui sont pas censées y rentrer. Et, de l’autre côté, il y a la prolifération de dispositifs de surveillance dans les quartiers populaires qui sont souvent le laboratoire d'expérimentation. L’utilisation de cette technologie dans les quartiers populaires ghettoïse encore plus ces populations.”
Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer Libertés à Amnesty International France, relativise tout de même les propos de Olivier Tesquet en montrant que la reconnaissance faciale est un élément qui est remis en question, faisant débat. “Alors que les Etats-Unis sont en avance sur ces questions là et où la police utilise régulièrement la reconnaissance faciale, certains pays abandonnent ces techniques. Il y a eu San Francisco, Boston ou encore Portland, qui ont arrêté d’utiliser cette technologie, prenant conscience que cela était discriminant et que ça ne fonctionnait pas.”
Les invité(e)s :
Olivier Tesquet, journaliste spécialiste des questions numériques à Télérama et auteur de Etat d’urgence technologique (Ed. Premier parallèle, 2021)
Anne-Sophie Simpere, responsable plaidoyer libertés à Amnesty International et co-autrice de Comment l'Etat s'attaque à nos Libertés (Ed. Plon, 2022)
Antoine Picon, architecte, ingénieur, professeur au Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés
Une émission en partenariat avec Numerama. Retrouvez chaque semaine les chroniques de Marie Turcan et Marcus Dupont-Besnard.