Ecrivain espagnol, Javier Cercas a obtenu un doctorat en philologie hispanique à l'Université de Barcelone. Devenu professeur aux États-Unis, c'est dans l'Illinois qu'il écrit son premier roman, El móvil (1987). Les soldats de Salamine (2001), son quatrième roman, a rencontré un large succès public et reçu de nombreux prix en Espagne et dans le monde entier.
Découverte de la lecture
L'art n'était pas important dans ma famille. Je viens d'un milieu pauvre, de la campagne où personne ne s'intéressait à la littérature. Pour ma famille, un écrivain est quelque chose d'exotique. Javier Cercas
Ma vocation d'écrivain vient d'un double déracinement. Javier Cercas
Le déracinement est d'abord géographique. Javier Cercas à l'impression d'avoir perdu sa terre natale en déménageant en Catalogne. La littérature a été pour lui une "défense contre les offenses de la vie". Le deuxième déracinement est spirituel, lorsqu'il perd la foi en lisant San Manuel Bueno, mártir de Miguel Unamuno.
Après Miguel Unamuno, l'auteur découvre une autre dimension de la littérature, alors qu'il cherche une forme de certitude métaphysique pour vivre. **Il rencontre aussi les œuvres d'écrivains comme Borges, Flaubert, Melville, Kafka ou Cervantes. **
À 15 ans, en découvrant Borges, j'avais envie de lire et pas vraiment d'écrire, il y a quelque chose d'écrasant chez lui. Javier Cercas
En lisant San Manuel Bueno, mártir de Miguel Unamuno, Javier Cercas se rend compte qu'il lit pour vivre de manière plus complexe, plus intense. Mais à ce moment de sa vie, l'écriture n'est encore qu'un rêve.
L'écriture comme rêve
J'ai commencé à écrire pour imiter de grands écrivains comme Borges ou Kafka. Javier Cercas
L'ignorance et l'obsession me donnent envie d'écrire sur des sujets que je ne connais pas. Javier Cercas
Écrire dans des journaux est une chose très importante pour moi parce que je dois aller dans la rue, confronter l'écriture à la réalité. Javier Cercas
Chroniqueur du réel
Les Soldats de Salamine a pour point de départ un article de journal. A partir duquel le roman va faire le récit d'une obsession. Seule cette quête compte, et, plus généralement, tous les livres que Javier Cercas aime renferment ou mettent en scène un personnage qui cherche à résoudre une énigme.
Je sais que certains pensent que le roman policier est un genre mineur en littérature, mais je crois qu'ils ne savent pas réellement ce qu'est la littérature. Il n'y a que des façons majeures ou mineures d'utiliser la littérature de genre. Javier Cercas
Tous mes romans créent leur propre système de fabrication. Ecrire un roman c'est formuler une question complexe et y répondre de manière encore plus complexe. Si deux romans ont les mêmes règles, c'est sans doute que l'un des deux est un mauvais roman. Il existe des différences énormes entre les romans avec et sans fiction.
"La grande littérature est à la fois divertissement, plaisir, et une forme de connaissance, comme le sexe"
Aujourd'hui, Javier Cercas construit ses romans à partir d'un plan précis. Celui-ci lui offrant paradoxalement une plus grande liberté. Pour retravailler et réécrire sans cesse cette structure de départ, Javier Cercas retouche les pages qu'il imprime. Il reprend à son compte l'expression de Paul Valéry : "On ne finit pas, on abandonne." Quand ça sonne vrai, je sais que je peux m'arrêter, parce qu'un écrivain cherche la vérité, pas la beauté."
Il faut sans cesse écrire contre l'idée qu'on se fait de la littérature. Javier Cercas
Si Javier Cercas ne pense jamais à un lecteur abstrait auquel il dédierait ses romans, il ne pense peut-être qu'à un seul lecteur : lui-même. "Les lecteurs représentent tous un mystère." Dans Terra Alta (2019), un des personnages, "le Français", pense que la moitié d'un roman est écrite par le romancier et l'autre moitié par le lecteur, autrement dit que c'est le lecteur qui finit le roman.
La grande littérature est à la fois divertissement, plaisir, et une forme de connaissance, comme le sexe. Javier Cercas
Je crois que la seule manière de faire face à l'avenir est de rendre le passé toujours plus présent dans nos sociétés. Javier Cercas