Le 17 novembre 2022, six jours après la retraite précipitée de l’armée russe, une foule de civils attend devant les camions d’aide alimentaire sur la place de la Liberté, au cœur de la ville de Kherson. Encore menacés par les bombardements de l’artillerie ennemie retranchée de l’autre côté du Dniepr, les habitants de la ville craignent d’autres ennemis : le froid, la faim, le manque d’eau et d’électricité.
C'est l'illustration de l’autre bataille que doit mener l’Ukraine : celle de l’aide humanitaire, un chantier sans équivalent depuis la Seconde guerre mondiale. L’Organisation mondiale de la santé estimait fin janvier que plus de 17 millions et demi d’Ukrainiens avaient besoin d’assistance et que huit millions d’entre eux vivaient désormais dans la pauvreté. Faute de mieux, les civils peuvent compter sur une solidarité citoyenne à toute épreuve, adossée à un tissu associatif vivace, mais aussi sur le soutien des collectivités, de l’État et des bailleurs internationaux.
De l’extrême ouest du pays jusqu’au plus près de la ligne de front, à quelles urgences les Ukrainiens sont-ils confrontés au quotidien ? Comment le pays compose avec les immenses flux de déplacés ? Quelle réponse propose chacun des acteurs de l’humanitaire -Etat, mairies, associations, bailleurs internationaux, et comment les coordonner au mieux ?
Julie Gacon reçoit Ioulia Shukan, maîtresse de conférences en études slaves à l'Université Paris Nanterre et chercheuse à l’Institut des Sciences sociales du Politique ainsi que François Grünewald, directeur "veille et anticipation" du groupe URD (Urgence, Réhabilitation, Développement).
“À Kharkiv, le centre-ville autrefois animé est aujourd’hui mort : vitres soufflées comblées par du contreplaqué, commerces fermés… Toutefois, cet anormal lié à la guerre cohabite avec du normal : il reste ça et là de petits îlots de vie, des restaurants, les transports fonctionnent…” raconte Ioulia Shukan.
“Les grandes ONG internationales étaient assez peu habituées à se confronter à des contextes avec une société civile développée, un État présent, des municipalités très fortes. Elles ont eu du mal à s’y adapter, ce qui a suscité le mécontentement des ONG ukrainiennes,” explique François Grünewald.
Pour aller plus loin :
Seconde partie : le focus du jour
L’écocide en cours, l’autre catastrophe humanitaire
Avec Marie-Ange Schellekens, chercheuse à l’université de La Rochelle et membre du laboratoire LIENSs (Littoral Environnement Société), autrice d’une thèse sur la sécurité environnementale dans les relations extérieures de l’Union européenne.
Au-delà des milliers de morts, du défi logistique pour parer à l’urgence humanitaire ou du chantier titanesque de la reconstruction, l’Ukraine est confrontée à une autre urgence : les dommages sur l’environnement causés par la guerre. Dauphins échoués par milliers en mer Noire, sols pollués par des métaux lourds et des forêts dévastés par les bombardements, comment Kiev prend-il en compte cette dimension du conflit ?
Selon Marie-Ange Schellekens : “L'Ukraine sait que le soutien financier de l’Union européenne à la reconstruction sera assorti de conditions environnementales. Kiev tente donc de se plier à ce cahier des charges pour deux raisons : pour se conformer aux attentes de Bruxelles dans le cadre de son processus d'adhésion, puis pour développer les énergies renouvelables, ce qui permettra à l'Ukraine de se défaire de la dépendance énergétique russe.”
Références sonores et musicales
Une émission préparée par Barthélemy Gaillard.