Le 14 janvier dernier, 3500 personnes d’après les organisateurs, 1500 selon la police, s’étaient réunies dans la commune de Lützerath en Rhénanie-du-Nord Westphalie. La localité doit en effet être détruite pour élargir l’emprise de la mine voisine d’où sortent déjà de grandes quantités de lignite. Les sous-sols de la région et plus largement de l'Allemagne regorgent de cette variété très polluante de charbon.
Les militants écologistes vivent cette décision de la coalition composée du SPD du chancelier Olaf Scholz, des libéraux du FDP mais aussi des Verts, comme une trahison. Le gouvernement oppose les contreparties obtenues auprès de RWE, l'exploitant de la mine : ce dernier devra en effet cesser toute extraction en Rhénanie du Nord-Westphalie en 2030, huit ans plus tôt que prévu. Mais pour les manifestants, ce compromis présenté comme un gain écologique en termes d'émissions carbone est avant tout une compromission.
43 ans après la fondation du parti, les Verts allemands ont-ils complètement opéré leur mue pour devenir un parti “de gouvernement” ? Comment composent-ils avec les mobilisations environnementales et une partie de leur base électorale qui semble les désavouer ? Comment vont-ils pouvoir gouverner aux côtés des libéraux, qui poussent pour leur part pour un retour en force du nucléaire ?
Pour répondre à ces questions, Julie Gacon reçoit Anne Salles, maîtresse de conférences en études germaniques à Sorbonne université et Annette Lensing, maîtresse de conférences en études germaniques à l’université de Caen.
“Depuis quelques années, de gros efforts ont été faits pour diminuer la dépendance au charbon mais la marge de manœuvre des Verts était extrêmement limitée : d’une part les écologistes tenaient mordicus à la sortie du nucléaire, d’autre part la guerre en Ukraine a coupé les importations de gaz russe” analyse Anne Salles.
“Les Verts doivent une grande partie de leurs succès électoraux au mouvement climat et tentent de conserver ce soutien malgré leur politique hyper-pragmatique [sur l'expansion de la mine de charbon de Garzweiler]. Le ministre de l’Économie a vendu cette décision comme une solution qui n’était pas idéale mais nécessaire avec comme contrepartie l’avancée de la sortie du charbon à 2030 [en Rhénanie du Nord-Westphalie]” note Annette Lensing.
Pour aller plus loin :
Seconde partie : le focus du jour
Avec Ivica Mladenovic, docteur en sciences politiques à l’université de Belgrade et à l’université Paris-8.
Pour mieux s’affranchir des énergies fossiles, les Etats européens rêvent d’une transition écologique reposant en partie sur les batteries électriques. Le lithium, son composant principal, est présent en grande quantité en Allemagne et en République tchèque. Ça n’empêche pas l’Union européenne de préférer en sous-traiter la production en Serbie pour s’épargner les fortes pollutions provoquées par l’extraction du précieux métal.
“Le gouvernement serbe a cherché à présenter le projet [d’exploitation du lithium] comme une contribution aux énergies vertes. Il répond aux aspirations de l’UE à diminuer sa dépendance aux énergies fossiles. Cependant, les militants ont bien montré que cette “transition” n’est pas une transition juste. L’envers du décors c’est que les bénéfices seront surtout ceux de la multinationale [Rio Tinto] qui laissera derrière elle une eau et une terre empoisonnée” explique Ivica Mladenovic.
Pour aller plus loin :
Références sonores & musicales
Une émission préparée par Barthélémy Gaillard.