En Israël, un gouvernement de plus en plus autoritaire
**Ziad Majed : "**Ce qui est peut être différent aujourd'hui, c'est qu'au sein même du gouvernement Netanyahou, il y a des ministres qui sont ouvertement dans une logique d'être des suprémacistes juifs, d'évoquer le fascisme comme étant une idéologie qui ne les choque pas, qui parlent de la nécessité d'annexer, d’élargir et de maintenir cette politique de colonisation. D'ailleurs, ils sont des colons et notamment dans le gouvernement. Il y en a plusieurs qui vivent dans les territoires occupés."
Gaidz Minassian : "On est en train de voir la montée en puissance des thématiques, je dirais religieuses, orthodoxes, juives en Israël, c'est à dire la question du droit historique. Deuxièmement, l'unification territoriale : c'est à dire que l'on essaie de pousser à bout les Palestiniens et on n'a pas beaucoup de mal. Mais on essaye aussi de pousser le plus loin possible l'extension des colonies. Et ça, ça joue sur l'idée de l'unification territoriale, c'est aussi c'est un thème du Grand Israël"
Christine Ockrent : "Le conflit Israélo-Palestinien c'est un fossé qui s'accompagne d'une immense indifférence et en fait le principal bénéficiaire, c'est Nétanyahou. Parce qu'il est évident que l'argument sécuritaire est fait pour rallier et rassembler une société israélienne qui, par ailleurs, est là, et on l'a vu de façon spectaculaire ces derniers mois, est totalement fracturée entre, pour simplifier les laïcs d'un côté et les ultra orthodoxes ultranationalistes de l'autre. Donc Netanyahou, encore une fois, s'en sort."
La société Israélienne, un véritable contre pouvoir ?
Gaidz Minassian : "je crois que le salut de la démocratie ne repose pas sur l'intervention des diplomaties occidentales. On a vu, et on le verra encore la capacité de résistance, de résilience d'une société israélienne qui est attachée à des droits fondamentaux, à une volonté de mettre en place un état séculier... Je ne crois pas que si un autre pays au monde vivait ce que vivent aujourd'hui les Israéliens, si on avait un régime aussi autoritaire, je ne suis pas sûr que la société civile résisterait à cet autoritarisme."
Ziad Majed : "je suis moins optimiste par rapport à la société israélienne. Non pas parce qu'il n'y a pas une partie qui est progressiste et qui fait face à Netanyahou. On l'a vu pendant des semaines dans les rues et les manifestations, mais parce que la question palestinienne est un peu absente dans la conscience politique de cette partie de la société. Ils veulent un État de droit en Israël. Ils n'évoquent pas suffisamment ce qui se passe dans les territoires occupés, ce qui se passe à Jérusalem et ce qui se passe en Cisjordanie, à Gaza."
Après 75 ans, la lassitude...
Ziad Majed : il y a aussi un désintérêt et une lassitude. On laisse le conflit pourrir encore. Les changements au niveau des élites politiques du côté israélien et le statu quo avec cet effondrement de l'Autorité palestinienne de l'autre, avec l'Iran qui est devenu un acteur important. Et voilà le résultat aujourd'hui. On peut vivre cela régulièrement. Il peut y avoir chaque mois des affrontements, puis un cessez le feu, puis ça recommence parce qu'au fond, il y a un problème qui est depuis 93 le même, c'est à dire la colonisation, l'occupation militaire à Jérusalem est et la question de tout ce qui est souveraineté selon les frontières.
Thomas Gomart : "Ce qui est frappant, c'est que les pays arabes accueillent à nouveau Bachar el-Assad mais semble s'éloigner de la cause palestinienne. Idem pour ce qu'on appelle souvent la communauté internationale, en particulier les Américains et les Européens, qui répètent leur catéchisme diplomatique sur la solution à deux Etats sans y croire un seul instant. Ce qui fait qu'au fond, la cause palestinienne aujourd'hui semble être devenue l'étendard de l'Iran. La deuxième évolution, c'est effectivement de part et d'autre un discours de plus en plus religieux, aussi bien côté palestinien que coté côté israélien, avec une évolution d'Israël elle aussi."
Une Autorité Palestinienne qui peine à s'imposer
**Thomas Gomart : "**Il y a une très grande difficulté côté palestinien à incarner politiquement une autorité. Il y a deux Palestine d'une certaine manière, ce qui se passe dans la bande de Gaza et ce qui se passe en Cisjordanie. Et là aussi, on est frappé par le manque de vision et de construction d'une autorité politique crédible."
Christine Ockrent : "Le conflit Israélo-Palestinien c'est un fossé qui s'accompagne d'une immense indifférence et en fait le principal bénéficiaire, c'est Nétanyahou. Parce qu'il est évident que l'argument sécuritaire est fait pour rallier et rassembler une société israélienne qui, par ailleurs, est là, et on l'a vu de façon spectaculaire ces derniers mois, est totalement fracturée entre, pour simplifier les laïcs d'un côté et les ultra orthodoxes ultranationalistes de l'autre. Donc Netanyahou, encore une fois, s'en sort. Et ça s'accompagne du côté palestinien, ce qui semblait être une alliance maintenant entre le Hamas qui contrôle Gaza, le Hezbollah soutenu par l'Iran, ce Djihad islamique qui est une autre mouvance pro iranienne, enfin armée, soutenue et financée par l'Iran, avec les chefs qui maintenant se rencontrent à Beyrouth. Et le fait aussi que le vocabulaire ait changé. Y compris pour nos propres opinions publiques. Le fait qu'on parle du Djihad islamique, cela résonne autrement. Que le Hamas, ou à priori le Fatah dont plus personne ne parle tellement il a disparu du paysage, il est totalement corrompu, Abbas qui n'arrive pas à partir à 87 ans… Et un Hamas qui s'est embourgeoisé d'une certaine manière et avec lequel Jérusalem négocie de fait depuis longtemps pour des raisons à la fois humanitaires, commerciales et sécuritaires."
Et une jeune génération qui n'a connu que la guerre
Christine Ockrent : "Ce qui est très frappant côté Palestinien, c'est de voir que la jeune génération, c'est à dire des gens qui ont quinze, 20 ans, ils ont compris que le mode de représentation en Cisjordanie ne veut absolument plus rien dire pour eux. Donc ce sont des bandes qui s'organisent de façon spontanée. Ce qui rend d'ailleurs pour l'appareil sécuritaire israélien une situation beaucoup plus difficile à anticiper en tout cas, puisque, en fait, cette génération là ne se sent pas du tout représentante représentée, quel que soit le système et quel que soit le vocabulaire. Ce facteur démographique, je crois, est très, très important. Il est tout aussi important côté israélien parce que démographiquement, qu'est ce qui va l'emporter? Ce sont les ultra orthodoxes qui font infiniment plus d'enfants que les laïcs. Donc, à terme, cela provoquera un bouleversement de la société israélienne elle même."