Syracuse

Elle s’appelle Howey Ou, elle a 19 ans et la presse occidentale, jamais avare de périphrases pour comparer à ce qu’elle connaît déjà, la surnomme la "Greta Thunberg chinoise". C’est une de ces dissidentes du climat en Chine mais elle n’est pas la seule. Des militantes, des militants agissent tous les jours, mais dans un certain cadre qu’il est difficile de transgresser. Dans les mégalopoles et les hameaux, les montagnes et les plaines, l’urgence écologique se voit de plus en plus à l’œil nu, comme lors de ces épisodes de pollution de l’air où Pékin devient ouatée de poison et poudrée par les microparticules fines, lors des grandes sécheresses qui font baisser le niveau des cours d’eau et vident les barrages hydrauliques ou encore dans ces hameaux désignés comme "villages-cancers" parce que leurs habitants ont bu l’eau polluée des rivières qui attaque ensuite l'estomac. Face à ces dérèglements, le militantisme écologique chinois est à la fois vivace et structuré : près de 5 000 associations de défense de l’environnement scrutent les faits et gestes des grandes entreprises pollueuses avec l’assentiment de Xi Jinping, déterminé à faire advenir la "civilisation écologique chinoise".

Quelles relations les ONGs environnementales internationales et chinoises entretiennent avec le pouvoir central, sont-elles des auxiliaires du parti ou peuvent-elles se faire librement l’écho des revendications de la société civile ? De quelle marge de manœuvre disposent-elles ?

Pour répondre à ces questions, Julie Gacon reçoit Nathalie Bastianelli, conférencière et autrice de Quand la Chine s’éveille verte paru aux éditions de l’Aube en 2021 ainsi que Virginie Arantes, chercheuse postdoctorante Wiener-Anspach à l’Université d’Oxford et autrice de China’s Green Consensus paru aux éditions Routledge en septembre 2022.

"Howey Ou est très peu populaire en Chine car dès lors que vous critiquez le gouvernement, les médias locaux ne reprennent pas vos actions. Les médias locaux affirment que pour être efficace il faut s'adapter aux codes politiques du pays et être conciliant avec le régime en place. Donc Howey ne serait pas efficace selon eux. Elle a en effet reçu beaucoup de menaces et d'insultes sur les réseaux sociaux chinois l'accusant de trahir le pays en acceptant de parler aux médias internationaux et en critiquant un manque d'action en Chine pour l'environnement", note Nathalie Bastianelli.

"Il y a une loi sur la protection de l'environnement en Chine depuis 1979. En 2014 cette loi a été reformulée et donc il y a une priorité donnée à l'environnement dans le pays. Des patrons d'entreprise et des gouverneurs locaux peuvent dorénavant être pénalement responsables de violations contre l'environnement. En 2016/2017, 10 000 personnes ont été sanctionnées. Les ONGs peuvent amorcer des poursuites d'intérêts publics contre les pollueurs", observe Virginie Arantes.

Seconde partie : le focus du jour

De Gezi à l’aéroport d’Istanbul, les écologistes premiers opposants à Erdogan

Si la génération climat turque reste cantonnée à une frange de la jeunesse stambouliote, la société civile mène depuis plusieurs décennies déjà des combats environnementaux hautement politiques contre les mégaprojets de Recep Tayipp Erdoğan. Du mouvement de Gezi aux résistances au projet de nouveau canal proche d’Istanbul en passant par l’aéroport, comment ces collectifs se sont-ils structurés et dans quelle mesure le combat écologique sert-il également des causes politiques et sociales face à l’autoritarisme grandissant du régime turc ?

Avec Marguerite Teulade, doctorante au centre d’étude des mouvements sociaux de l’EHESS.

"Les collectifs de lutte pour l'environnement en Turquie font face à une répression qui n'est pas nouvelle. Mais il y a eu un renforcement des violations des droits des activistes écologistes avec le recours à des instruments autoritaires comme la réquisition de terrains privés, des procédures d'expropriations d'urgence, de plus en plus courante sous le gouvernement de l'AKP depuis une dizaine d'années en Turquie", explique Marguerite Teulade.

Références sonores

• Interview with Howey Ou, one of China's Climate Protesters (Jon Lott - 12/07/19)
• Sous le dôme - Un documentaire de Chai Jing - version française (ChinoisFrançais - 31/03/15)
• Erdogan lance le chantier du canal d'Istanbul, malgré les critiques (RTBF - 29/06/21)

Références musicales

• "Hold my hands"

Préparation de l'émission

Une émission préparée par Barthélémy Gaillard.