De l’eau, du soleil et du vent, ce sont les ingrédients 100% décarbonés nécessaires pour produire de l’hydrogène dit “vert”, l’une des recettes que les puissances mondiales espèrent miracle pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais au-delà du bien commun et de la préservation de la planète, l’hydrogène vert est avant tout un nouveau marché, sur lequel il convient de se placer pour dominer la guerre technologique que se livrent les Etats, Chine et Etats-Unis en tête. Pour les plus gros producteurs d’hydrogène vert comme l’Australie ou le Chili, il s’agit de développer son arsenal industriel pour transformer l’hydrogène vert en acier, en fer ou en ammoniac écologique, et ainsi créer de la valeur ajoutée. Pour les pays consommateurs comme le Japon, il s’agit d’innover pour trouver des moyens d’importer cette molécule particulièrement fine et corrosive. Dans les deux cas, la ressource est au cœur d’enjeux technologiques et stratégiques majeurs, au point qu’une vingtaine de pays dans le monde ont déjà dévoilé leur plan pour l’hydrogène vert.
Comment la guerre en Ukraine a-t-elle accéléré le processus de transition énergétique vers l’hydrogène vert ? De Washington à Tokyo en passant par Bruxelles et Pékin, comment les principales puissances industrielles ont-elles intégré l’hydrogène vert dans leur modèle de développement économique ? Et enfin, comment les pays producteurs tentent-ils de capitaliser sur cette énergie pour tisser de nouveaux partenariats et trouver de nouveaux relais de croissance ?
Julie Gacon reçoit Thomas Pellerin-Carlin, directeur Europe de l’institut de l’énergie pour le climat ainsi que Ines Bouacida, chercheuse sur le climat et l'énergie à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
Inès Bouacida nuance les discours qui présentent l’hydrogène comme un nouveau gaz naturel “Fondamentalement, il ne couvrira que 5 à 15 % de notre système énergétique avec des usages spécifiques comme l’industrie chimique, la production d’acier ou encore le transport aérien. Pour les voitures, le modèle électrique semble bien plus pertinent.”
Selon Thomas Pellerin-Carlin, la partie n’est pas encore perdue pour l’Europe dans sa compétition avec la Chine pour dominer la construction des électrolyseurs. “On est à une jonction pour cette industrie : soit on fait les mêmes erreurs qu’il y a dix ans sur les panneaux solaires, soit on reproduit la réussite de l’éolien dont 40% de la production mondiale est faite en Europe.”
Seconde partie : Batteries, le nouvel eldorado du lithium sud-américain
Avec Maria-Eugenia Sanin, coordinatrice du groupe d'Economie Appliqué au Centre d'Economie de Paris-Saclay et auteur de nombreux articles sur l'économie de l'énergie en Amérique Latine.
Les batteries, qui permettent de stocker l’électricité produite par les énergies renouvelables, constituent l’un des autres piliers de la transition énergétique. Or, la Bolivie, l’Argentine et le Chili possèdent à eux trois 60% des réserves mondiales en lithium, matière première indispensable à leur confection. Quelles perspectives s’ouvrent à ces pays, non seulement en termes miniers, mais aussi de souveraineté industrielle ?
Selon Maria-Eugenia Sanin, les rentes garanties par l'extraction et l'export de matières premières n'entraînent pas nécessairement un développement pour les pays d'origine : “L’enjeu majeur pour ces trois pays, c’est d’éviter ce qu’on appelle la malédiction des ressources. Au contraire, il faut générer des retombées sur tout le pays et en particulier les communautés locales.”
Références sonores & musicales