Syracuse

La trajectoire d'Ambroise Paré (1509-1590) illustre le statut précaire du chirurgien tel qu'il existe encore à la Renaissance. Venu de la barberie, il n'est qu'un vulgaire opérateur, placé sous la coupe d'un médecin qui se garde bien de toucher le malade...

Après une enfance passée dans le giron de la Cour du Comte de Laval, Paré va recevoir un premier apprentissage à l'Hôtel-Dieu avant de se colleter avec la réalité des champs de bataille...

Là, il découvre des méthodes chirurgicales nouvelles, notamment pour soigner les plaies causées par ces armes à feu, les arquebuses, qui sévissent depuis peu. Ariane Bayle, professeur en littérature comparée, raconte : “Ambroise Paré parle de ces armes à feu avec des mots comme tonnerre, foudre, engins diaboliques, c'est vraiment un leitmotiv dans son discours et de tous les commentateurs de l'époque d’ailleurs. Ainsi, il voit ces armes, comme une invention du diable et il précise que cette invention a non seulement troublé les gens de guerre, contraints de changer leur façon de guerroyer, mais aussi les chirurgiens voulant traiter et guérir les blessures faites par ledit bâton à feu.”

Il met également au point la ligature des artères, plutôt que d'appliquer les fers brûlants sur le membre amputé, car comme l’explique Evelyne Berriot-Salvadore : “Paré a horreur de la souffrance. On employait alors comme hémostatique pour arrêter l'hémorragie le fer ardent, le cautère, qui provoquait une rétractation des vaisseaux, mais qui provoquait aussi une douleur si atroce qu'elle avait souvent des effets secondaires : inflammations, fièvres”. Paré, va alors mettre au point une autre pratique qu’il conseillera, comme nous le dit Ariane Bayle au jeune chirurgien : “Il faut abandonner ce qu'il appelle cruauté et inhumanité, et suivre sa pratique”.

Son autre grand fait d'armes, c'est d'avoir rédigé une œuvre médicale colossale. Une somme rédigée en Français, contre le latin des hommes de science que sont les médecins. Ce qui va exciter leur courroux... Mais Paré n'en a cure : il est le premier chirurgien du roi de France. Il écrira d’ailleurs : “Or, disent-ils que je ne devais écrire en français et que par ce moyen la médecine en serait tenue à mépris, ce qui me semble le contraire, car ce que j'en ai fait est plutôt pour la magnifier et honorer. Et il faut entendre que les sciences, tant plus elles sont connues de plusieurs temps, plus elles sont louées, vu que science et vertu n'ont plus grand ennemi qu’ignorance.”

Un documentaire de Stéphane Bonnefoi, réalisé par Yvon Croizier.

Avec :

• Evelyne Berriot-Salvadore, professeure émérite de littérature française du XVIe siècle à Montpellier 3
• Xavier Villebrun , chargé des grands projets de la ville de Laval
• Ariane Bayle, professeur de littérature comparée à Lyon 3
• Sidonie Vicet , chargé du fond ancien de la bibliothèque de Laval

Merci à Antoinette Le Falher (musée des beaux-arts de Laval)

Lecture des œuvres d'Ambroise Paré : Laurent Lederer

Prise de son : Alexandre Abergel

Archives INA : Delphine André

Documentaliste : Annelise Signoret

Bibliographie :

• Ambroise Paré, Oeuvres complètes (sous la direction d'Evelyne Berriot-Salvadore), Classiques Garnier, 2003
• Evelyne Berriot-Salvadore, Une vive mémoire , éd. De Boccard, 2012
• Paule Dumaitre, Ambroise Paré, chirurgien de quatre rois de France , Perrin, 1986
• Jean-Michel Delacomptée , Ambroise Paré, la main savante , Gallimard, 2007
• Ariane Bayle, Écriture de soi et récit de cure chez Leonardo Fioravanti et Ambroise Paré , Droz (à paraître)