Syracuse

En France, à chaque fois que des conservateurs descendent dans la rue, on s’en étonne, et en 2012, la Manif Pour Tous n’a pas fait exception à la règle. Pourtant, ce mouvement contre la mariage et l'adoption par un couple de même sexe, s’inscrit dans une histoire longue des catholiques français, et il est le fruit de leur savoir-faire en termes de mobilisation.Toujours est-il que par son ampleur, la Manif Pour Tous a surpris, jusqu’à ses propres organisateurs, et qu’elle a sans doute permis la naissance d’un nouveau clan conservateur.

Le sociologue, Yann Raison du Cleuziou explique : “Il faut se défaire d'un préjugé qui est d'identifier la rue à un répertoire d'actions qui serait propre à la gauche”. Ainsi, il rappelle que la droite n'a pas négligé la rue, il ne faut pas oublier les diverses mobilisations de droite depuis le début du siècle : les manifestations des Inventaires en 1905; les mobilisations contre le Cartel des gauches dans la France des années 1920 ; la manifestation antiparlementaire du 6 février 1934; celle du 30 mai 1968 en faveur du général de Gaulle; la très grande manifestation de 1984 en faveur de l'école libre; ou bien encore les manifs anti-pacs. Le sociologue souligne ainsi ”qu’au sein des droites et des droites catholiques, il y a une expérience de la rue, mais c'est une expérience, on va dire moins ordinaire”.

Par ailleurs, en évoquant La Manif Pour Tous, il analyse : “Ce n'est pas un mouvement spontané sorti de nulle part, c'est un mouvement qui bénéficie de l'expérience militante accumulée au sein du catholicisme conservateur depuis les années 1990”. Il faut se rappeler du tournant important qui s'opère à l'occasion de la loi bioéthique de 1994, et surtout au moment de l'adoption du PACS en 1998-99. À l’époque du mouvement anti-pacs il remarque “qu’il y a là, une étape de rajeunissement, qui va monter en puissance jusqu'à la Manif Pour Tous.” Un rajeunissement qui se traduit dans les cortèges par des manifestants, “habillés avec des tee-shirts de couleurs, des ballons, de la musique, des chars sur lesquels des jeunes dansent le hip-hop, ce qui donne une image jeune à cette protestation conservatrice.”

Céline Béraud, sociologue, note en parlant des débuts de La Manif Pour Tous : “Il ne faut pas imaginer qu'elle est était téléguidée par les évêques, ça serait complètement faux. Ce n'est pas l'instrument laïc d'un projet clérical.”

De son côté, Emile Duport, régisseur de la Manif Pour Tous, témoigne de son engagement : “Je n'organise jamais une manif pour moi, les chrétiens ne manifestent jamais pour eux, ils manifestent toujours pour autrui, ce qui est souvent perçu comme une agression. On nous demande, mais de quoi se mêlent-ils ? Mais, c’est le principe de la charité de se mêler de ce qui ne vous regarde pas. Le Christ s’est mêlé de ce qui ne le regardait pas.”

Des propos qui font écho à Jean Louis Grattepanche, manifestant de la Manif Pour Tous : “L'individu est fait pour vivre en groupe et je comprends ces gens qui trouvent une solidarité de lutte. Et moi, je l'ai vécu par cette cause. J'ai eu le sentiment d'être dans quelque chose qui me dépassait d’être dans une communauté nationale, ce sentiment d'être dans une cause majeure, supérieure à nos vies personnelles”.

• Un documentaire d’ Adila Bennedjaï-Zou
• Réalisation Annabelle Brouard
• Avec  Céline Béraud sociologue, Yann Raison du Cleuziou sociologue, Emile Duport régisseur de la Manif Pour Tous, Madeleine manifestante, Jean-Louis Grattepanche manifestant, Edouard Duparc manifestant
• Musique de fin "Libertango" par Grace Jones