La manifestation classique, que l’on connaît si bien que parfois on s’y ennuie, n’a pas toujours existé au cours du XXe siècle, le droit de manifester a progressivement fait son chemin en France, non sans mal, particulièrement à Paris.
Entre une lente pacification du maintien de l’ordre et plusieurs guerres, chaudes et froides, la manif a fini par adopter la forme qu’on lui connaît : cortège, banderoles, slogans et merguez. Histoire d’une institution républicaine pas comme les autres.
L’historienne Mathilde Larrère revient sur ce que l’on peut considérer comme les ancêtres des manifestations : “D'une certaine façon, la procession religieuse est une forme d'ancêtres ou en tout cas une référence”, tout comme, le cortège funéraire, “là, on se rapproche plus de la manifestation et au 19e, c'est même l’une des rares formes de manifestation sur l'espace public autorisée et qui est saisie par les oppositions pour contourner l'interdiction de manifestation et en même temps pour prendre la rue”. D’autre part, elle rappelle le chemin mouvementée de la manifestation en France : “On n’a pas une histoire apaisée avec le droit de manifester en France. Au 19e siècle, les pires répressions sont faites sous la République comme celle de juin 48 ou celle de la Commune de Paris. Paradoxalement, la République tue plus que la monarchie parce qu'elle est légitimée par le suffrage universel et se sent plus solide dans sa répression et dans sa légitimité à utiliser de la violence.” Et si l’historienne constate que “la répression ne fait pas que maintenir l'ordre, elle crée le désordre”, d'une certaine façon elle remarque que “la manifestation sort de l'émeute. C'est la forme pacifiée de l'émeute”.
Pour les manifestations de type moderne, l’historienne Danielle Tartakowsky voit en celle du 14 juillet 1935 une référence : “C’est une manifestation essentielle pour la construction de la dramaturgie manifestante et peut être pour l'usage dominant du terme de manifestation. On a là, la construction de quelque chose qui va constituer durablement un modèle potentiel pour les manifestations ultérieures”.
Quant au sociologue Christophe Aguitton, il rappelle qu’avant, “la forme la plus légitime de protestation populaire était la grève”, et que “pendant longtemps, c’était le nombre de grévistes qui comptait, c’est seulement à partir des manifestations de 1995 que l’important devient le nombre de manifestants.”
Un documentaire d’Adila Bennedjaï-Zou, réalisé par Annabelle Brouard.
Avec :
Mathilde Larrère, historienne
Danielle Tartakowsky, historienne
Ludivine Bantigny, historienne
Christophe Aguitton, sociologue
Isabelle, manifestante
Marc, manifestant
Chanson de fin : "L'estaca" par les Motivés