Syracuse

Wassyla Tamzali se décrit comme une jeune femme libre dans les rues d'Alger, toute à son utopie. "Tout ça va disparaître", annonce-t-elle, "parce qu'il y a un tel tel tabou sur le corps, c'est que ça va disparaître peu à peu. A l'époque, ce n'était pas le cas. C'était encore l'Algérie légère qui se construisait avec des rêves formidables, avec des utopies.". Elle ne regrette pas l'erreur de cette utopie qui l'a portée et lui a donné confiance. Une des erreurs de cette révolution a été de créer le mythe d'un peuple algérien unique, d'un "nous" collectif qui effaçait l'hétérogénéité de la société algérienne. Un mythe auquel Wassyla Tamzali a su résister puisqu'elle a passé cette révolution en partie dans le cocon de la cinémathèque d'Alger où les intellectuels de toutes origines et dans toute leur diversité se réunissaient pour refaire le monde.

La Cinémathèque d'Alger devient en effet le foyer des jeunes et des intellectuels, qui y reçoivent les cinéastes et les personnalités politiques du monde entier. Wassyla Tamzali se souvient ainsi d’une "fête" permanente, d'un lieu ouvert aux autres où l'on s'exprimait avec "un vocabulaire à tendance marxiste". "Nous ne parlions pas de la culture, on la faisait" se rappelle-t-elle.

Néanmoins, "on était des intellectuels aveuglés" estime Wassyla Tamzalique, "c'est la martyrologie qui a pris l'Algérie en main". "Nous n'étions pas au cœur de la révolution. Pour nous, ce qui était au cœur de la révolution, c'était le peuple, c'était le pays. C'était retrouver la dignité du pays, et pour cette dignité, nous avons sacrifié nos libertés individuelles et de gaieté de cœur."

Une série proposée par Perrine Kervran. Réalisation : Nathalie Salles. Prise de son : Philippe Etienne. Attachée de production : Daphné Abgrall. Avec la collaboration de Claire Poinsignon et Julia Martin. Coordination : Sandrine Treiner.

Une rediffusion du 13 mars 2012.

Pour aller plus loin

• Catherine Simon. Algérie, les années pieds-rouges. Des rêves de l'indépendance au désenchantement (1962-1969). La Découverte, 2011.
• Wassyla Tamzali. « Cinémas d'Algérie, 1961-2009.  Chroniques », Les Temps Modernes, vol. 674-675, no. 3-4, 2013, pp. 389-400.
• Wassyla Tamzali, En attendant Omar Gatlato, regards sur le cinéma algérien, L’Harmattan, 1979.
• Entretien de Wassyla Tamzali par Oliver Barrot pour Un Jour, un livre (France 3) en 2007. France. Archives INA.

Bibliographie

• La tristesse est un mur entre deux jardins, Michelle Perrot et Wassyla Tamzali, Odile Jacob, 2021.
• Histoires minuscules des révolutions arabes, Chèvre feuille étoilée, 2012.
• Burqa ? avec Claude Ber, Chèvre feuille étoilée, 2010.
• Une femme en colère : lettre d'Alger aux Européens désabusés, Gallimard, 2009.
• Une éducation algérienne : de la révolution à la décennie noire, Gallimard, Témoins, 2007, prix Essai France Télévisions 2008.
• Mon père, Chèvre feuille Étoilée. Livre collectif (des filles parlent de leur père), 2007.
• L’énigme du Maghreb, dirigé par Christine Ockrent, XO éditions, 2006.
• Abzim: parures et bijoux des femmes d’Algérie, Entreprise algérienne de Presse, 1986.
• En attendant Omar Gatlato, regards sur le cinéma algérien, L’Harmattan, 1979.