Première diffusion : 1er novembre 2017
- Ça siffle encore dans les bronches et votre valve claque. On va renforcer le traitement…
- Je vais encore m’engraisser…
- Ah non, ça c’est de la cortisone inhalée, sous cette forme, ça ne fait plus grossir ! C’est les progrès de la médecine !
- Bah moi j’engraisse quand même, j’ai encore pris 7 kilos ce mois-ci. Comme depuis l’opération je n’ai plus d’énergie, je ne peux plus me dépenser physiquement"
A partir du moment où un chercheur du fond de son laboratoire pense avoir identifié une molécule capable de soigner une pathologie, les étapes avant que cette molécule ne se retrouve dans votre armoire à pharmacie prendront dix ans, en moyenne, après un parcours aux circonvolutions très longues : brevetage, tests, comparaison du bénéfice/risque avec les médicaments déjà existants, évaluation de la rentabilité du produit, puis après des phases de tests sur des animaux, une phase de tests cliniques sur l'homme, avec notamment le test en double aveugle. Il s'agit de donner un placebo (un leurre sans principe actif) à la moitié des patients, sans que ni les malades, ni les médecins ne sachent qui prend le vrai médicament. Et le placebo est souvent très puissant ! Là, il faut encore vérifier le nombre et la gravité des effets secondaires, avant que la gélule ne termine enfin sur l'étal du pharmacien.
Dans l’affaire du Médiator, en France, les autorités sanitaires ont accepté et ont octroyé l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament coupe-faim, alors que les autorités belges ont examiné le même dossier, l’ont trouvé beaucoup trop léger et ont dit : NON. Bruno Toussaint
Les dernières découvertes conduisent à prendre en compte les caractéristiques individuelles du malade : si vous êtes une femme jeune, vous ne réagirez pas à cette gélule de la même manière que si vous êtes un vieux diabétique, ou un adolescent fumeur déprimé… Dans le cas rarissime où l'effet du médicament est spectaculaire (récemment le transfert de microbiote), on peut arrêter les tests en double aveugle pour donner le vrai médicament aux malades.
Le désastre Médiator est révélateur de tous les défauts du système de l’autorisation de mise sur le marché du médicament et de pharmacovigilance. Bruno Toussaint
Aujourd’hui, la conception d’un médicament jusqu’à son autorisation de mise sur le marché (AMM) prend une dizaine d'années et sa fabrication est industrielle. Une copie de la molécule active, encore d’origine naturelle (plante, substances animales ou minérales…) ou créée chimiquement, est réalisée en laboratoire à partir d’éléments moléculaires. Le produit chimique, appelé substance active, se présente généralement sous forme de poudre. Le principe actif contient le strict nombre de molécules synthétiques nécessaire pour arriver à l’effet soignant. L’ajout d’un excipient (eau, sucre…) à la substance active permet de donner sa forme et son goût au médicament.
Tant que les autorités laisseront les essais cliniques financés essentiellement par les firmes pharmaceutiques, il y aura toujours des doutes, il y aura toujours des tentations pour les firmes de biaiser la conception des essais, de retenir certaines données, de les présenter de façon avantageuse pour elles mais pas pour les autres. Bruno Toussaint
A partir de la substance active découverte en recherche, le développement pharmaceutique consiste à définir la "formulation" du médicament final, c’est-à-dire l’association de la molécule active et d'excipients, puis la forme galénique (en référence au médecin grec Galien). Il prendra la forme de comprimé, gélule, sirop, injection, spray, patch… adaptée à la maladie selon les conditions de prise du médicament, la vitesse nécessaire de passage dans le sang et les tissus et d’élimination par le corps. Le développement chimique consistera à mettre au point des procédés chimiques de fabrication à l’échelle industrielle. Des études précliniques sur les animaux, puis cliniques sur l’homme, auront permis de définir l’absence de toxicité du médicament, son efficacité, ses effets secondaires, sa posologie, avant de procéder à la compression, l'enrobage et la dragéification pour les comprimés, à l'encapsulage pour les gélules, mise sous blisters, en sachets, flacon, ampoule, etc., selon la forme.
Avec :
- Dominique Martin, directeur général de l'ANSM, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
- Brigitte Rault, vétérinaire référente INSERM
- Bruno Toussaint, directeur éditorial de la revue Prescrire
- Thierry Thil, Directeur Logistique Flux Produits - site de production Upsa
- Pierre Chirac, directeur de publication de la revue Prescrire
- Gilles Barroux, auteur de La médecine de l'Encyclopédie aux éditions du CNRS
Un clin d’œil à Groland qu’on retrouve toutes les samedis sur Canal Plus dans le Zapoï et extraits du film Carnage de Roman Polanski et de La Fille de Brest d’Emmanuelle Bercot.
Un documentaire de Lydia Ben Ytzhak, réalisé par Anna Szmuc.
Pour aller plus loin
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**CORRECTIF **
A la 45ème minute du documentaire, Pierre Chirac affirme que le Kétoprofène provoque des ruptures de tendon, c'est une erreur. Avec cette molécule, il existe un risque de photosensibilisation, parfois grave.