École d'élite qui a notamment accueilli Louis Braille, inventeur de l'écriture qui porte son nom, en tant qu'élève puis professeur, l'INJA a perdu un peu de vitesse à l'ère de l'anti-validisme mais pas de sa valeur. Celle qui forma les plus grands organistes, dispense aujourd'hui encore des savoir-faire uniques pour les personnes à déficience visuelle : se déplacer dans la ville, cuisiner, pratiquer un sport... Et les jeunes que l'on y rencontre ont parfois des problèmes et des interrogations qui ne sont pas si éloignés de ceux qui vivent à l'extérieur, en plein jour, en pleine vue.
Voici deux témoignages recueillis par Adila Bennedjaï-Zou qui a dirigé un atelier de podcast à l'INJA tout au long de l'année.
Anatoli : « La position que je préfère c’est d’être considéré comme une personne bien voyante »
Au sein de l'INJA, Anatoli a appris le piano, un instrument qu'il affectionne particulièrement.
"Je joue beaucoup "La lettre à Élise" (de Beethoven), le début est assez calme et tu peux jouer avec plusieurs intentions, soit "amoureux", très posé, très beau à entendre, soit d'une autre façon. Ce que j'aime bien avec le piano, c'est qu'on me donne un morceau classique, mais c'est à toi de décider si tu as envie de faire du classique ou du rock métal, c'est toi qui décide vraiment de tout ce que tu fais sur ton clavier. Parfois je ne respecte pas du tout les grands classiques, et ça fait du bien, après je rejoues un morceau, tranquille. La musique c'est beaucoup pour moi-même, surtout pour me calmer. Le piano, c'est mon instrument qui arrive à m'apaiser."
Anatoli souhaiterait travailler dans le monde du spectacle vivant à l'avenir :
"C'est plutôt la technique qui m'intéresse. Quand tu es derrière des tables de sons ou de lumières ou derrière toute la gestion d'un spectacle, tu vas avoir la satisfaction de voir les gens qui s'amusent. C'est ça le plus important pour moi."
Sophia : « J’ai découvert le catholicisme il n’y a pas très longtemps, toute seule, sur internet »
Sophia, comme Anatoli, cherche également l'apaisement. Pour elle aussi, la musique représente une véritable porte d'entrée vers ce sentiment de quiétude. Que ce soit en écoutant des mélodies de célébrations religieuses ou en chantant des prières, elle y trouve un véritable refuge.
"Il y a quelques semaines, j'ai complètement arrêté la musique non-chrétienne. On va arrêter d'embrouiller sa tête avec des histoires d'amour qui finissent mal. J'écoute des chants traditionnels de célébrations plus qu'autre chose, au moins une fois dans la journée, pendant mes trajets de train... Donc j'en connais quelques-uns, soit des chants de messe, soit des chants qui ont un lien avec la prière ou le christianisme tout court, soit sur France-Culture, soit sur YouTube. Quand un chant me plaît bien je le mets dans ma playlist. C'est apaisant et ça permet aussi de prier différemment."
Elle y voit également une manière de s'insérer dans la société : "Je lis des textes et je suis des cultes à la radio parce que je ne peux pas y aller en présentiel pour l'instant et je ne veux pas l'imposer à mes parents pour qui la religion n'est pas importante. J'ai mis longtemps à leur dire et leur faire accepter ma disposition d'esprit. Comme ils sont assez mal à l'aise avec la religion, j'essaie de ne pas m'imposer dans la famille. Mais j'attends d'avoir 18 ans pour rejoindre une paroisse et commencer à faire ça avec des gens."
Merci à Bruno, Lino, Mila, Solene, Yacine et Thomas de l’atelier podcast, Samuel Hirsch et Alexis Robin. Et merci à l'INJA : Stéphane Gaillard, Mara Tournier.
- Productrice : Adila Bennedjaï-Zou
- Réalisateur : Emmanuel Geoffroy
Musique de fin : "She's So High" de Kurt Nilsen (2003)
Pour aller plus loin :
- Le site de l'Institut National des Jeunes Aveugles, à Paris