Forts de la loi de 1956 sur l’utilisation du nucléaire à des fins pacifiques, les gouvernements qui se sont succédés dès l’après-guerre au Japon, tous issus du PLD (Parti libéral démocrate), ont développé un réseau de centrales nucléaires dans l’archipel.
Des centrales issues d’une coopération accrue avec leurs anciens occupants, les américains, et qui ont été implantées le plus souvent dans des régions désindustrialisées, sous-peuplées ou vieillissantes. A l’image du Tohoku, cette région agricole du nord-est du Japon qui a servi de réserve de mains d’œuvres pour le Japon de la reconstruction et aussi de base arrière pour « éclairer » Tokyo. Une « véritable colonisation intérieure » dénoncent certaines voix , dont celle du grand journaliste Satoshi kamata.
Avec Satoshi Kamata , Jean-François Sabouret et, par téléphone depuis Taipei, Paul Jobin, sur les travailleurs du nucléaire.
Né en 1938 dans la région du Tôhoku, Satoshi Kamata est sans doute l’un des journalistes les plus engagés du Japon. Ayant terminé ses études à l’université de Waseda dans le département de littérature russe, il choisit de devenir journaliste d’investigation. Il publie en 1973 une enquête sur son expérience d’ouvrier temporaire chez Toyota : Toyota : l’usine du désespoir. Il a publié près de 120 ouvrages sur l’envers du décor japonais : l’exploitation des ouvriers, les victimes de la pollution, les syndicats minoritaires, la discrimination à l’égard des Burakumin, les enfants brimés à l’école, les bases américaines à Okinawa, la peine de mort… Dernièrement, il s’est engagé contre le nucléaire avec Kenzaburô Ôé dans le mouvement « Au revoir le nucléaire » (sayonara Genpatsu) lors des manifestations du 19 septembre 2011. Profondément humaniste et démocrate, il symbolise ces Japonais, peu connus à l’étranger, qui s’expriment franchement. Leur combat révèle l’existence d’un autre Japon dont le rôle fut essentiel dans le « miracle japonais ».
Paul Jobin enseigne la sociologie du Japon à l’Université Paris VII ; il est chercheur associé au Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (INSERM-EHESS) et il est directeur du * Centre d'études français sur la Chine contemporaine à Taipei. Il revient sur le sort et la situation sanitaire de ceux que l’on appelle sur place « les gitans du nucléaire » : horde de précaires sous-payés.
Jean-François Sabouret , spécialiste du Japon, directeur du Réseau Asie – Imasie depuis 2006, auteur de Japon, la fabrique des futurs.