Cinq millions de réfugiés, dont près de la moitié d'enfants. Le Haut-Commissariat de l’ONU qui tient ce décompte depuis le 24 février 2022 ne cesse de revoir ce chiffre à la hausse. Chaque jour, un flux constant de réfugiés arrive du Donbass, où l’armée russe resserre encore l’étau. Les Ukrainiens ont pu trouver des frontières ouvertes, des associations organisées, qui ne risquent pas cette fois d’être poursuivies pour leur diligence, des citoyens prompts à prêter une chambre, et des responsables politiques soucieux d’activer la "directive de protection temporaire". En sommeil depuis vingt ans, ce texte offre aux réfugiés ukrainiens un statut, et un accès aux droits au logement et au travail pendant au moins un an. Les associations et les ONG n’ont pas manqué de rappeler combien cette solidarité unanime contraste avec la politique migratoire européenne de ces dernières années : depuis 2015 et l’arrivée massive de réfugiés syriens fuyant la guerre de Bachar al Assad, les pays européens n’avaient jamais réussi à harmoniser leurs règles d’accueil.
Mais dans ce grand élan d’entraide pour l’Ukraine, qu’est-ce qui relève néanmoins des enseignements tirés des crises migratoires précédentes ? Les Vingt-Sept ont-ils appris de certaines de leurs erreurs et tergiversations ? Au nom de quoi peuvent-ils dans le même temps multiplier les mesures d’éloignement pour les réfugiés de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ?
Julie Gacon reçoit Jean-Yves Potel, historien et politologue et Camille Le Coz, analyste au sein du think tank Migration Policy Institute.
"En Pologne, il y a une mobilisation considérable des associations et des municipalités qui s’ajoute à un élan spontané et massif de la population. Dès le lendemain de l’invasion russe, beaucoup de polonais ont décidé de se rendre en voiture à la frontière à la rencontre des réfugiés ukrainiens" observe Jean-Yves Potel.
"La crise des réfugiés de 2015 a été, en Europe, un moment de tension sur la politique d’accueil à adopter. La situation est différente avec la guerre en Ukraine, car il s’agit d’un conflit actif sur le sol européen déclenché par la Russie, ce qui marque d’autant plus les anciennes Républiques populaires. S’y ajoute la question du racisme et de l’islamophobie, les réfugiés ukrainiens n’étant pas musulmans mais chrétiens" analyse Camille Le Coz.
Seconde partie : le focus du jour
Réfugiés : cibles du trafic d’êtres humains
Le 12 avril 2022, le Haut Commissariat aux réfugiés et plusieurs ONG ont alerté sur le risque de trafic d’êtres humains ciblant les réfugiés ukrainiens fuyant la guerre. Les réfugiés sur les routes de l’exil sont des proies pour les trafiquants, car ils sont très vulnérables : isolés, sans repères, et souvent traumatisés par la guerre. Si migrations et trafic d’êtres humains vont souvent de paire, le conflit ukrainien à la spécificité d’avoir vu fuir presque exclusivement des femmes et des enfants, population la plus à risque dans ces trafics.
Avec Olivier Peyroux, sociologue.
"Dès le milieu des années 90, au moment des guerres de Yougoslavie, des réseaux criminels d'exploitation sexuelle se sont mis en place en Ukraine. Ces réseaux se sont amplifiés depuis le début du conflit ukrainien en 2014 et envoient des femmes ukrainiennes vers le reste de l’Europe de l’est, le Moyen-Orient et les Etats-Unis" explique Olivier Peyroux.
Références sonores
- Témoignage d’une jeune réfugiée ukrainienne à Korczowa, ville située dans le Sud Est de la Pologne (TV5 Monde, 03 mars 2022)
- Le président polonais Andrzej Dudare remercie ses compatriotes d’avoir accueilli des réfugiés ukrainiens (Global Ctizen, 09 avril 2022)
- La commissaire européenne en charge des Affaires intérieures Ylva Johansson évoque les millions de réfugiés ukrainiens que l’Union européenne se tient prête à accueillir (Euronews, 04 mars 2022)
- Témoignage de Rostan, 20 ans, qui a quitté son Cameroun natal pour suivre des études à Marioupol. (TV5 Monde, 1er avril 2022)
- Témoignages de deux réfugiés, l’un syrien l’autre irakien qui décrivent en la violence avec laquelle les garde-frontières polonais les ont accueilli à la frontière avec la Biélorussie (France 24, 28 novembre 2021)
Référence musicale
- « A hundred lights » de Christian Löffler (Label : Ki records)