Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/Nouveaux États Indépendants (NEI) de l'Institut français des relations internationales (Ifri), spécialiste des politiques intérieure et étrangère russes. Elle a publié La Russie de Poutine en 100 questions, chez Tallandier, 2018
Françoise Thom, spécialiste de l'URSS et de la Russie postcommuniste, enseigne l'histoire à l'université Paris-Sorbonne. Elle a publié Comprendre le poutinisme, chez Desclée De Brouwer, 2018.
Isabelle Facon, chercheur à la Fondation pour la Recherche stratégique, où elle est spécialiste de la politique de sécurité et de défense russe. Elle a publié « La menace militaire russe : une évaluation », pour la revue Les Champs de Mars, en 2017 (N° 29) et le livre La Russie : les chemins de la puissance, chez Artège, 2010
Julien Vercueil, maître de conférences de sciences économiques à l'Institut national des langues et civilisations orientales de Paris (INALCO), dont il dirige le département « Commerce international », Directeur de recherches du Centre de recherches Europes-Eurasie (CREE). Il a publié Les pays émergents : Brésil, Russie, Inde, Chine... : mutations économiques, crises et nouveaux défis chez Bréal, 2015. Il publie prochainement La Russie : une économie politique aux éditions du Seuil (coll. Points Economie) en 2018.
Russie : deux candidats de la présidentielle, vus par les journaux russes
La revue de presse d'Eric Chol, Rédacteur deCourrier International
- Le président russe devra affronter sept challengers dans le scrutin du dimanche 18 mars, dont une femme, la seule, et un millionnaire communiste...
Ksenia Sobtchak se présente "contre tous" à la présidence russe. Elle a 36 ans et c'est la plus jeune des candidats en lice. Son nom est connu en Russie depuis que son père, Anatali Sobtchak, a dirigé la mairie de Saint Petersbourg dans les années 90, lequel père avait nommé à l’époque à ses côtés un certain Vladimir Poutine. Mais voilà, après 5 mois de campagne, Ksenia Sobtchak n’a pas réussi à convaincre ses compatriotes.
On l'a vue jeter un verre d’eau dans un débat politique à la tête du nationaliste Jirinovski, ou sortir en pleurs d’un studio télévisé mais sa candidature n’a jamais décollé puisque les sondages ne lui prêtent que 1,1% des suffrages. L’ancienne journaliste avait pourtant marqué les esprits quand, il y a 7 ans, elle s’était lancée en politique. A l’époque c’était un nouveau rôle pour cette star de la télé, qui, au début des années 2000, était même surnommée la « Paris Hilton russe », explique le journal en ligne Gazeta.ru (en russe). Mais le journal a vite arrêté la comparaison, car, nous dit-il,
« si la blonde américaine vêtue de rose est demeurée ce qu’elle fut, Ksenia a évolué pour devenir… Ksenia Sobtchak. On ne la compare plus à personne”.
Dans cette course présidentielle, elle a surtout voulu incarner la Russie citadine, libérale et pro-occidentale. Une vision à l’opposé de Vladimir Poutine, et qui n’a pas trouvé d’écho dans la population russe. Elle ne compte pas s’arrêter là : la presse russe a annoncé, jeudi, qu’elle s’alliait avec un jeune député Dimitri Goudkov, un ancien proche de Boris Nemtsov, pour lancer une nouvelle formation, « le parti des changements ».
- Le 2e candidat qui se distingue porte les couleurs du parti communiste:
Un dessinateur du Moscow Times a récemment croqué Pavel Groudinine en l’affublant d’une chapka en forme de fraise : cet homme de 57 ans, qu’on surnomme le "roi de la fraise", n’est pas vraiment un moujik des temps moderne, mais bien un chef d’entreprise millionnaire depuis qu’il est à la tête du sovkhoze Lénine dans la région de Moscou.
C’est pourtant bien Pavel Groudinine qui porte aujourd’hui les couleurs du parti communiste russe pour cette élection présidentielle, une candidature surprenante pour cet ingénieur agricole, qui était engagé dans le passé dans le parti de Vladimir Poutine Russie-Unie, explique le quotidien Moscow Times. Alors disons le tout de suite : Pavel Groudinine n’a pas plus de chance que Ksenia Sobtchak de remporter le scrutin, mais ce n’est pas une candidature pour rien. Les sondages lui prêtent un peu plus de 7%, et surtout, explique le Moscow Times,
« son charisme naturel, est une nouveauté pour le parti communiste », lequel était piloté depuis des années par le technocrate Gennady Zyuganov. Ce charisme, « c’est une qualité qui pourrait aider à faire renaître la nostalgie communiste, poursuit le journal qui rapporte que 58% des russes regretterait la disparition de l’Union soviétique".
En tout cas, il se murmure que Vladimir Poutine qui voyait au départ d’un bon œil cette candidature de Pavel Groundinine s’inquiète de la popularité croissante de ce tribun moustachu qui serait devenu « malgré sa modération, l’homme à abattre », écrit même le journal suisse Le Temps. Du coup, les médias proches du pouvoir se sont mis à «faire des révélations» sur «les comptes en banque cachés en Suisse», ou sur sa «propriété d’une villa en Europe». Pavel Groundinine serait-il devenu dangereux pour le Kremlin ?
A moins, avance le Moscow Times, qu’il ne vise un tout autre poste que la présidence russe : s’il réalise un bon score demain, il serait alors bien placé pour devenir le prochain gouverneur de la région de Moscou, une élection qui aura lieu en septembre...