A intersection de deux siècles, installé à Paris, alors capitale occidentale de la création artistique, Marcel Proust convoque dans la Recherche une trinité créatrice, trois figures, un musicien, un écrivain et un peintre qui lui permettent en décrivant les effets de leurs œuvres de développer la description et les évolutions de ses idéaux esthétiques.
Ainsi, trois personnages imaginaires composites, reflets moirés d’amis et de maîtres anciens et contemporains animent les sensations du narrateur. Vinteuil pour la musique, inspiré de son ami de cœur le compositeur Reynaldo Hahn. Bergotte pour la littérature, peut-être l'évocation d’Anatole France et de Paul Bourget que l’auteur fait mourir devant le petit pan de mur jaune de la Vue de Delft de Johannes Vermeer. Et enfin Elstir, le peintre dont l’atelier devient le creuset des métamorphoses psychiques du narrateur. Elstir est une chimère dont la pluripersonnalité artistique emprunte à Whistler ou Monet, à Turner ou à Degas ou à d’autres encore, selon les moments du roman.
Marcel Proust, expérimentateur, observateur attentif de tout ce qui peut servir son art, s’il est indéniablement un visiteur passionné du Musée du Louvre, ou, dans les pas de John Ruskin, des chefs-d’œuvre de Venise, est bien sûr le créateur d’une immense galerie de peinture dont plus de deux cent tableaux de maîtres anciens paraissent dans son livre. Mais qu’en est-il de l’avant-garde qui lui est contemporaine ? Est-il prisonnier des grandes familles conservatrices qu’il fréquente ? Préservé des audaces radicales de la modernité naissante ? Sut-il que naissait près de lui, alors qu’il venait de commencer en 1907 la rédaction de la Recherche, le cubisme de Picasso ? Apprit-il la survenue du futurisme, peut-on l’imaginer fréquenter les surréalistes ou pire considérer les readymades de Marcel Duchamp ?
Pour parler de la singulière passion pour les arts visuels de Marcel Proust et de son éventuel intérêt pour l’art moderne naissant, Jean de Loisy s'entretient avec Adrien Goetz, romancier, professeur et historien d'art, Anne-Laure Sol, conservatrice en chef au Musée Carnavalet et commissaire de l'exposition "Marcel Proust, un roman parisien".
Lecture des textes : Sophie Daull
Écoutez et abonnez-vous à la collection d’émissions consacrée à Marcel Proust pour (re)découvrir cette figure centrale de la littérature française, à travers l’économie, la gastronomie, le cinéma, la philosophie ou la médecine dans "Proust, le podcast".
Musiques et textes diffusés :
- Elégie pour piano en La bémol Majeur WWV 93 - Richard Wagner - Shani Diluka
+ A la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, Marcel Proust
- Sonate n°1 op 75 - Camille Saint-Saëns - Flora Elphège
- Sonate en sol min pour violon et piano : Intermède - Claude Debussy - Arthur Grumiaux+ Luc Fraisse dans sa thèse sur Proust : Le Fragment expérimental (1989) a su démontrer les traits « cubistes » dans l’écriture de Proust. Ici, le passage consacré à Saint-Loup quittant la maison de passe dans Le Temps retrouvé.
- Danse macabre S. 555 - Camille Saint-Saëns - Alexander Gavrylyuk + A l’ombre des jeunes filles en fleur – Marcel Proust
- Sonate pour violon et piano en sol mineur L 148 (140) : 1. Allegro vivo - Claude Debussy - Rafał Blechacz + Lettre de Jacques Rivière à Marcel Proust le 22 juillet 1922. Lecture de Sodome
- Sonate pour violon et piano n°2 en Sol Maj M 77 : 2. Blues. Moderato - Maurice Ravel - Arthur Grumiaux + Lettre de Marcel Proust à Philippe Soupault du 21 septembre 1920
- Texte (septembre 1897) Lettre de Marcel Proust à Raymond Roussel
- L'isle joyeuse CD109 L.106 - pour piano - Claude Debussy - Shani Diluka + Marcel Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleurs, (Gallimard, p.376-377)
Chargée de recherche : Maurine Roy
En partenariat avec BeauxArts Magazine.