Le 5 août 1992, Marie-José Pérec arrive en tête du 400 mètres dames aux Jeux Olympiques de Barcelone. Pour la presse, Pérec est une véritable "perle noire". Depuis le début du 20e siècle, la liste des sportifs de couleur affublés de ce surnom racialisant ne cesse de s’allonger. Qu’en est-il des carrières de ces athlètes racisés, dont beaucoup, en France, sont antillais ? C’est la question qu’Adila se pose dans ce dernier épisode.
"J'ai dit à cette dame : pour vous, je ne suis pas française, mais si je le veux demain, je le bats, votre record de France."
Ghislaine Barnay est une championne de saut en hauteur née en Martinique. Elle raconte son arrivée en équipe de France, l’installation en métropole et les compétitions avec les métropolitains "nous les Antillais, on arrivait pour préparer une compétition et on restait entre nous", "on était dans les mêmes chambres, on allait déjeuner en même temps, c’était normal les métropolitains restent entre eux et les Antillais aussi", Ghislaine Barnay. C’est avec agacement qu’elle évoque le traitement réservé par une de ses responsables, "les journalistes de la télé finlandaise voulaient nous avoir, Claudine Cuvier et moi à la télévision", "la responsable de l’équipe de France dit oui pour Cuvier, mais pas Barnay parce qu'elle n'est pas française", "je ne suis pas française, mais, je suis en équipe de France ?", Ghislaine Barnay.
"On ne savait pas où se mettre !"
Emma Sulter est martiniquaise. Sprinteuse hors pair, elle est repérée par la Fédération française d’athlétisme qui exige qu’elle rejoigne la métropole. Emma arrive à Paris pour s’entraîner à l’INSEP, "on me demande de refaire des performances que j’avais déjà faites aux Antilles", "les Antillais n'étaient pas pris au sérieux, c’était fatiguant", "on nous appelait les sportifs cocotiers, je pense que c’est déplacé", Emma Sulter. Juste avant les JO de Montréal, en 1976, Emma finit troisième aux championnats de France, en 100 mètres, ce qui suffisait normalement à la qualifier pour les jeux à venir, "je reçois une convocation de la Fédération qui me met en barrage avec les deux filles qui étaient arrivées après moi", Emma Sulter.
En d’autres termes, la qualification d’Emma pour les JO est remise en jeu, sans justification valide. La jeune fille termine première, elle ira à Montréal. Au Canada, les entraîneurs ne s’occupent pas d’elle. Au dernier moment, elle apprend même qu’elle ne courra pas le 100 mètres, "pourquoi cette préférence alors que j’avais de meilleures performances ?", "pourquoi me mettre de côté lorsque j'ai fait les minimas ?", "je suis persuadée que ces personnes-là, c'étaient des racistes, mais c'est très difficile à dire, en tant que sportif", Emma Sulter.
Des nouvelles des saisons de Frédéric et Jöna.
Pour Frédéric, c’est une saison en demi-teinte. Les bronchiolites à répétition de son bébé l’ont fait multiplier les allers-retours à l’hôpital, "on a fait quelques nuits blanches, c’était très épuisant", Frédéric Dagée. Malgré "une performance internationale et solide" aux championnats de France, le colosse ne rafle pas la première place espérée.
Même son de cloche chez Jöna. Les compétitions sur lesquelles elle misait ne se sont pas déroulées comme prévu, notamment à cause de conditions météorologiques difficiles, "je conçois mon projet sur le long terme", "cette année, je vise la qualification et la finale à Paris, mais que pour aller chercher une médaille, il va me falloir plus de temps", "mon objectif prioritaire, c'est une médaille en 2028", Jöna Aigouy.
Tous les deux ont jusqu'à juin 2024, soit la fin de la saison d’athlétisme, pour se qualifier aux Jeux de Paris.
- Reportage : Adila Bennedjaï-Zou
- Réalisation : Somaya Dabbech
- Mixage : Ludovic Auger
Merci à Jöna Aigouy, Frédéric Dagée, Ghislaine Barnay Bambuck, Emma Sulter, Antoine Chérubin, Aurélie Bambuck, Patrick Mignon, Harry Mephon, Renaud Longuèvre et Nathalie Ianetta.
Musique de fin - Gold junkies, Mélanie De Biasio
Pour aller plus loin
Sport et migrations, Paul Dietschy, Patrick Mignon et Emmanuel Laurentin
Corps et société en Guadeloupe, Harry Mephon, PUF de Rennes (2007)