Un “projet de souveraineté” : c’est ainsi que Martin Bouygues présente le projet de fusion entre TF1 et M6. Le but : faire face, enfin, aux géants du numérique et leurs plateformes de streaming payantes qui captent l’essentiel de l’attention, et donc du porte-monnaie des téléspectateurs. Champions non seulement de la production mais aussi de la diffusion, impossible de faire face à ces derniers sans l’instauration d’un géant aux moyens d’investissement si ce n’est équivalents, au moins comparables. C’est précisément ce que se propose de devenir le potentiel mastodonte, privé, né de la fusion. Mais cet argument ne parvient pas à convaincre l’Autorité de la concurrence qui veille : le risque d’un monopole, sur le marché publicitaire, est bien trop grand et les intérêts privés semblent primer sur les intentions, louables mais peu réalistes, de donner naissance à un géant de l’audiovisuel français.
Selon Olivier Bomsel "quand vous faites de la pub à la télé, vous fabriquez l'imaginaire d'une marque, vous fabriquez une représentation et éventuellement aussi un appétit, une curiosité pour le consommateur. Après avoir vu de la pub à la télé, le consommateur va aller sur Internet pour rechercher le produit. Et à ce moment là, il va taper des requêtes sur Google ou répondre aussi à des sollicitations sur Facebook qui l'amèneront directement sur le site de vente. Et donc en réalité, il y a une cannibalisation des dépenses que vous faites en publicité à la télévision par les régies publicitaires en ligne qui ne sont pas que de la publicité mais aussi de l'adressage vers le site de vente, ce que la télévision ne peut pas faire directement".
Par ailleurs, la question de la production reste un point central, Nathalie Sonnac le souligne "il faut bien comprendre ce qu'est l'économie de ce secteur. Il fonctionne dans un écosystème qui est extrêmement régulé. C'est 3,2 % du chiffre d'affaires des chaînes de télévision qui sont versé au CNC pour la production audiovisuelle, c'est 15 % du chiffre d'affaires de ces acteurs-là qui sont versés au titre des obligations, l'un dans le cinéma pour les 3,2 % et pour la production visuelle de 15 %, alors que Media One atteint un chiffre d'affaires de 1 milliard d'euros".
Si cette fusion est pertinente dans un paysage audiovisuel bouleversé, comment comprendre que les services de l'Autorité de la concurrence aient émis un avis négatif fin juillet et comment expliquer les blocages auxquels on assiste aujourd'hui ? Selon Olivier Bailly "en France, on aime bien la réglementation et mettre des boulets aux pieds de nos groupes audiovisuels, ce qui les freinent dans leur développement. Netflix, Disney, Amazon, eux, ils pensent monde et international. Quand ils font produire un programme quelque part, ils en ont les droits pour l'exploiter dans 200 pays, avec discussions parfois sur la Chine continentale. Si TF1 ou M6 veulent demain aller à l'étranger, il faut qu'ils aillent racheter ce qu'ils ont déjà financé".
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