Patriarcat, colonialisme et anéantissement des femmes intrinsèquement liés. Le "mandat masculin" opprime, étouffe et saccage. Dans cette société, les femmes aussi bien que les animaux, les végétaux, sont considéré.es comme des choses qui doivent servir, qu’on peut échanger ou détruire. C’est d’ailleurs dans les zones de capitalisme extrême où il y a le plus d'extractivisme et de destruction des écosystèmes, que les violences contre les femmes sont les plus fortes. La question du féminicide et de l'écocide sont indissociables, comme le souligne l’historienne, Jane Caputi : “Si vous regardez là où l’on extrait ces énergies fossiles du sol, ce sont les zones de violence les plus extrêmes contre les femmes. C'est le cas en particulier dans les réserves autochtones, aux États-Unis, au Canada. C'est un phénomène que l’on retrouve partout dans le monde. Je pense qu’on peut voir dans l'écocide, c'est-à-dire la destruction systémique des écosystèmes, un lien très fort avec le féminicide.”
Pour sortir du système féminicidaire et cesser d’être la propriété des hommes, les femmes commencent à reconquérir leurs propres territoires, créent des collectivités fondées sur l'échange, la réciprocité, une relation apaisée aux autres êtres vivants. Là où le capitalisme compartimente, sépare l’intellect de l’émotion, la pensée de l’action, nous sépare, nous isole, il faut lui opposer une politique des liens et du commun, comme l’évoque la philosophe, Hourya Bentouhami : “Quand on qualifie l'oppression patriarcale, la première chose qu'on dit, c’est “j'étouffe”. La seule manière d’y mettre fin, c'est de trouver un air qui soit plus respirable dans un lieu d’où je ne peux pas fuir toujours en fait. On a nécessairement besoin d'autres personnes, d'autres femmes. Ce combat est donc indissociable d’une pensée écologique de la solidarité”.
"Ils voulaient nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines" disait Berta Cáceres, militante féministe hondurienne, défenseuse des peuples indigènes, assassinée par les dirigeants d’une société de barrage en 2016. Si la culture patriarcale a pour finalité l'apocalypse, les mouvements de résistance des femmes ont semé les graines de la révolte.
Un documentaire de Pauline Chanu, réalisé par Marie Plaçais.
Avec :
-Hourya Bentouhami : philosophe, spécialiste des féminismes intersectionnels, autrice de l’ouvrage à paraître La puissance féministe de la chair
-Hélène Frappat : écrivaine, autrice de Le gaslighting ou l’art de faire taire les femmes (Éditions de l’Observatoire)
-Maïté Prompte : bergère
-Gita Aravamudan : journaliste indienne, autrice de Disappearing daughters
-Christelle Taraud : historienne, directrice de l’ouvrage collectif Féminicides : une histoire mondiale (Éditions la Découverte)
-Silvia Federici : militante féministe révolutionnaire, universitaire étasunienne, autrice de Réenchanter le monde et de Caliban et la sorcière (Éditions Entremonde)
-Rita Laura Segato : anthropologue argentine, autrice de La guerre aux femmes et L’écriture sur le corps des femmes assassinées de Ciudad Juárez (Payot)
-Jane Caputi : historienne étasunienne, autrice de The age of sex crime
Merci à l’APIAF à Toulouse, Aminata Dramane Traoré, Marylène Lapalus, Camille Gharbi, Emilie Serpossian, Juliette Rousseau, Jeanne Burgart Goutal et Cécile Laffont.
Lectures : Valérie Dashwood
Mixage : Manuel Couturier
Bibliographie :
- Le gaslighting ou l’art de faire taire les femmes, Hélène Frappat, Éditions de l’Observatoire
- La compagnie des loups, Angela Carter, éditions du Seuil
- Jane, un meurtre et Une partie rouge, Maggie Nelson, éditions du Sous-sol
- Les jeunes mortes, Selva Almada, éditions Métailié
- Bleuets et abricots, Natasha Kanapé Fontaine, éditions Mémoire d’encrier
- Réenchanter le monde, Silvia Federici, éditions Entremonde
- Souvenirs de mon inexistence, Rebecca Solnit, éditions de L’Olivier
- Oran, langue morte, Assia Djebar, éditions Babel
- Façons tragiques de tuer une femme, Nicole Loraux, éditions Hachette
- Les mères en deuil, Nicolas Loraux, éditions du Seuil
- Faire face. Histoires de violences conjugales, Camille Gharbi, éditions The eyes publishing
Liens :
- Geneviève Messier : Féminicides en Inde : un continuum de violence contre les femmes, Maîtrise en science politique, Université du Québec à Montréal, 2018.
- Féminicides politiques : tuées parce que femmes et militantes. Article publié sur le site de TV5 Monde (mars 2023).
- Femmes à abattre : Première enquête internationale sur les féminicides politiques. Article en 2 parties publiés dans le magazine féministe belge, Axelle, juillet-août 2023.
- Pauline Delage, Delphine Lacombe, Marylène Lieber : De la violence létale contre les femmes à la violence féminicide. Genèses et mobilisations, in Cahiers du Genre, vol. 73, n°2, 2022.
- Victoria Bellami : Intégrer, définir, réprimer et prévenir le "fémicide/féminicide" en Amérique latine, in Autrepart, vol. 85, n°1, 2018.