Le moteur du roman est un amour de jeunesse et son souvenir. Elle a 16 ans, lui 17, ils parlent beaucoup, s’embrassent seulement, s’écrivent des lettres et un jour elle disparaît. Lors de leur conversation, elle lui avait parlé d’une cité, qui lui permettrait de connaître son vrai moi, à elle, s’il désirait y entrer. Le garçon va d’abord circuler entre le monde réel et cette cité magique où sa bien-aimée est employée dans une bibliothèque particulière. Des rêves y sont stockés et lui devient liseur de rêves.
Ce roman est un texte dont Haruki Murakami dit avoir livré une première version il y a plus de 40 ans, quand il était écrivain débutant. Il l’a réécrit une première fois avant d’en livrer cette version ultime de 550 pages, qui ne compte que quatre personnages.
Raphaëlle Leyris s’est poliment ennuyée
La journaliste au Monde et critique littéraire n’a pas accroché avec le dernier roman "du plus lu des écrivains japonais" : "Ce qui me pose problème, c'est le niveau de désincarnation. Et puis le fait que le vrai moi s’ennuie autant que le faux moi tellement on sent l’évidente fin. Qu'est-ce qu'on découvre du vrai moi de cette jeune fille ? Elle s'ennuie épouvantablement à tenir sa bibliothèque sans livres, et à attendre que cet homme lise des rêves dont on ne sait rien. Si l'énigme de ce roman, c'est de savoir quel est le vrai moi et le faux moi, quel est le réel et quel est l'imaginaire, pour moi, la différence entre les deux n'était pas suffisamment excitante pour que je mène l'enquête avec intensité".
Pour Hubert Artus : "Un récit tellement abstrait qu’on s’y perd"
Le journaliste et chroniqueur littéraire s’est également beaucoup ennuyé pendant la lecture de ce roman : "Murakami, c'est toujours rêveur abstrait, métaphorique. J’ai trouvé que celui-ci était un bon roman jeunesse, mais ça n'est pas du tout édité comme tel. Le talent de conteur est là, mais c'est vrai, on s'emmerde. Murakami fait régulièrement des pavés, c'est toujours pop, subversif, il y a quand même de l'érotisme dans ses livres, rappelons qu’il a écrit aussi des romans comme 1Q84, qui était sa réaction aux attentats de la secte Aum. D’habitude, ils se greffent sur un trauma, sur quelque chose d'universel. Là, le récit peut se greffer sur un imaginaire universel, mais c'est tellement abstrait qu'on s'y perd."
Pour Jean-Marc Proust, c’est un roman populaire fidèle à l’univers de son auteur
L’auteur et le critique pour Slate a trouvé que La cité aux murs incertains est avant tout un roman populaire, dans le sens où il est semblable à ce qu’on a déjà lu et nouveau à la fois. "On retrouve dans ce Murakami comme dans les précédents son univers et son goût pour la culture occidentale. C'est fait de petits riens totalement insignifiants. Par exemple, le personnage mange des muffins à la myrtille et ça prend une importance totalement démesurée. J’ai eu l'impression d'être dans un film où on parle du quotidien et où il ne se passe strictement rien, mais ça reste quand même poétique, contemplatif, c'est très japonais, tout en étant mâtiné de culture occidentale. Et puis, il arrive à faire dans ce livre la synthèse de plusieurs mythes de manière réussie. Ce roman m’a fait penser au Château de Mont Salvat et au Chevalier du Graal. Il arrive à mettre tous ces éléments dans son univers et à reprendre des thèmes qu'on lui connaît bien".
Elisabeth Philippe : "Une version dévitalisée de Kafka sur le Rivage"
La critique de L’Obs a de prime abord trouvé le roman répétitif : "Au départ, ces allers-retours constants d'un monde à l'autre prennent beaucoup de pages puisqu'à chaque fois, on a le droit à une nouvelle description, toujours la même, avec les licornes, les murs. J’avais l'impression d'être devant un pendule et d'avoir le mouvement de balancier qui me mettait dans un état d'hypnose. J’ai eu l'impression que ce livre était une sorte d'ombre aux autres romans de Murakami. Il y a beaucoup de points communs avec Kafka sur le rivage, notamment avec la bibliothèque comme lieu de passage d'un monde à l'autre, mais c’est une version dévitalisée, comme si on avait enlevé toute la folie des livres de Murakami."