Le 20 mars dernier, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki était à l’Université d’Heidelberg, près de Francfort, en Allemagne. Dans l’enceinte d’une des plus vieilles universités du monde, il s’est exprimé sur sa vision de l’Europe et exposé son projet pour l’avenir de l’Union, en rejetant totalement le fédéralisme et martelant sa nécessité d’une souveraineté totale. Un an après l’invasion russe en Ukraine, le Premier ministre veut montrer le caractère incontournable de la Pologne, qui alertait depuis des années sur les ambitions de Poutine. Ses investissements militaires colossaux cette année la rende indispensable pour toute discussion sur l’Europe de la défense, alors qu’elle penche naturellement vers une protection de l’OTAN et des Etats-Unis. Sur le plan politique, le parti conservateur PIS accentue depuis 2015 une rupture idéologique avec le projet européen : son contesté projet de réforme de la justice l’a condamné à de lourdes amendes. De même, ses positions sur l’avortement ou les questions LGBT+ l’a mis au ban des “fréquentables” de l’UE.
Pourtant, la population polonaise reste l’une des plus attachée à l’Union européenne, selon les sondages. Alors, presque 20 ans jour pour jour après le référendum d’adhésion auquel les Polonais ont répondu oui à près de 80%, quel est l’idéal européen en Pologne ? De quelle marge de manoeuvre le gouvernement polonais dispose-t-il pour influencer le projet européen ? Quelles valeurs veut-elle défendre au sein du projet européen ?
Julie Gacon reçoit Isabelle Davion, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à Sorbonne Université ainsi que Lukas Macek, directeur de Sciences-Po Dijon.
Pour aller plus loin :
Seconde partie : le focus du jour
Réparations : le PIS agite les rancœurs contre l’Allemagne
Avec Pierre-Frédéric Weber, historien des relations internationales, professeur à l'institut d'histoire de l'Université de Szczecin en Pologne.
Le 19 avril dernier, le gouvernement polonais a adopté une résolution sur les demandes de réparations à l’Allemagne pour l’agression et l’occupation pendant la seconde guerre mondiale. En septembre dernier, les dommages avaient été chiffrés à 1 300 milliards d’euros. Demande rejetée régulièrement par l’Allemagne. C’est un véritable serpent de mer, agité par le PIS pour des raisons électorales ou d’opinion nationale : la demande a très peu de chance
d’aboutir.