Banque ou commerce en ligne, services administratifs sur Internet, contrôle des épidémies grâce aux bases de données numériques, le continent africain s’est très largement ouvert à la nouvelle donne digitale. Lui si peu enclin au XXe siècle à adopter le téléphone fixe, a en revanche fait du téléphone portable un service de base ou presque. Aujourd’hui pour la seule Afrique subsaharienne plus de 300 millions de personnes accèdent à Internet via leur smartphone. Cette "nouvelle donne numérique" ouvre des perspectives de développement inédites mais pose aussi des questions de souveraineté face aux géants du Net, ainsi qu'expose à de potentielles dérives en termes de surveillance des populations ou de privatisation de services publics.
Comment les Etats africains font-ils face aux appétits des géants du secteur ? Et comment à l’inverse en profitent-ils ?
Pour répondre à ces questions, Julie Gacon reçoit Sophonie Koboudé, directeur général du think thank l'Afrique des idées, essayiste et auteur du livre Le digital au secours de l’Afrique paru aux éditions Anovi en février 2021.
"Le digital est comme le pharmakon grec, c'est-à-dire que le digital est pour l'Afrique à la fois une sorte de remède, à la fois un poison. Il est à la fois employé pour faire des choses formidables mais aussi pour faire de la surveillance, des menaces...", observe Sophonie Koboudé.
Deuxième partie : Villes africaines 2.0
Les 20 et 21 octobre 2022, Abidjan a accueilli le deuxième sommet sur l’innovation en Afrique. A l’image de centaines de villes en proie à une expansion sans précédent ces dernières décennies en Afrique, Abidjan s’est aussi transformé structurellement avec la révolution numérique. Des transports au commerce, de la pression sociale à la baisse de l’insécurité, quelles sont les nouvelles tendances et les nouveaux défis des populations urbaines africaines face à la révolution digitale ?
Avec Séverin Yao Kouamé , sociologue et enseignant à l’université Alassane Ouattara (UAO) à Bouaké, en Côte d’Ivoire.
"L'utilisation massive des réseaux sociaux a cet effet ambivalent de valorisation des innovations locales et d'accès instantané à l'international", note Séverin Yao Kouamé.
Troisième partie : Au Kenya, la couverture santé en 5G
Au Kenya, le succès mondialement reconnu des services de banque en ligne ont poussé l’opérateur local Safaricom à diversifier ses activités. Face à la déliquescence du système de santé public, cette filiale du géant britannique des télécoms Vodafone a développé M-TIBA, une plateforme numérique d’épargne santé revendiquant cinq millions d’utilisateurs. Entre démocratisation médicale et privatisation du système hospitalier, l’innovation revêt des enjeux d’autant plus politiques qu’elle pourrait bien essaimer en Afrique et sur le reste de la planète.
Avec Marine Al Dahdah, sociologue et chargée de recherche au CNRS au Centre d’étude des mouvements sociaux.
"Les dangers d'une telle plateforme sont que les financements de santé captés par son intermédiaire ne vont financer que des services privés, puisque les dispositifs proposés sont ceux des cliniques privées, l'argent ne va donc jamais retourner au service public de santé et les bailleurs vont verser directement de l'argent dans ces portefeuilles-là plutôt que dans l'amélioration des structures de santé publiques. L'on va donc avoir une fuite de capitaux qui vont être déroutés des schémas plus traditionnels de financement de la santé publique.", explique Marine Al Dahdah.
Références sonores
- Mobile-banking : le modèle africain (euronews - 28/07/14)
- Cameroun, numérisation du système d'Etat civil (Africa24 - 16/07/19)
- Le numérique en Afrique : comment protéger les données des utilisateurs (France24 - 04/01/21)
- "Silicon Moutain" : la high tech africaine (Les observateurs France 24 - 05/09/16)
- Abidjan/taxijet : l'application qui permet de réserver son taxi à distance (Akody News - 24/09/15)
- Welcome to M-TIBA : affordable, accessible and quality healthcare for everyone (M-TIBA - 04/08/22)
Préparation de l'émission
Une émission préparée par Barthélémy Gaillard et Julie Ducos.