“Pu-ni-tif”.... vous l’avez sûrement aussi entendu, et dans la bouche de plusieurs candidats à la présidentielle, ceux-là fustigeant notamment l’écologie punitive, pour lui préférer une “écologie d’espoir” ou “positive”, ça, par exemple, c’est pour la version Valérie Pécresse.
Mais, peu importe de toute façon ce qu’on lui substitue, tout l’enjeu est dans ce refus du “punitif”. Refus qu’on retrouve d’ailleurs ailleurs, voire partout. L’important, c’est surtout de ne pas être puni et de déculpabiliser…
D’une certaine manière, rien de nouveau sous le soleil : ce mouvement s’inscrit bien dans une longue tradition pour repenser la peine : celle-ci ne devant pas prendre la forme de la punition mais de la correction et de la réparation.
Difficile, sur le sujet, de faire mieux que Michel Foucault et son Surveiller et punir, toujours en tête des citations de khâgneux à ce propos… mais à raison d’ailleurs, car dès le début de son livre, il souligne la modification de ce qu’il appelle “l’économie du châtiment”...
Le "vilain métier de châtier"
Dès la fin du XVIIIème siècle, le spectacle punitif (type supplices des corps en place publique) laisse place au redressement caché, à la fois à l’intérieur des prisons et des corps. Autrement dit, la peine des uns n’est désormais plus visible par d’autres, mais intériorisée par tous…
De là, cette thèse de Foucault en forme de paradoxe : l’absence (visible) de punition ne signe pas la fin de la punition (réelle). Loin de là : elle signe même sa généralisation. Ce qui soulève alors cette question (et j’en reviens alors à mon sujet) :
si on n’en finit jamais avec la punition, pourquoi soutenir qu’on veut malgré tout en finir avec le punitif, qu’on veut en fait punir le punitif ? n’est-ce pas seulement une naïveté, une flatterie électoraliste, mais pire un non-sens ?
_“Il y a dans la justice moderne et chez ceux qui la distribuent une honte à punir, qui n’exclut pas toujours le zèle ; elle croît sans cesse : sur cette blessure, le psychologue pullule, et le petit fonctionnaire de l’orthopédie morale”. _
Ca, c’est pour la citation de khâgneuse fan de Foucault… et qui dit très bien ce qu’elle veut dire : il y a beau avoir une honte à punir, et Foucault de préciser que les juges ont beau être libérés, je cite, du “vilain métier de châtier”, reléguant tout ça à d’autres, tout ça n’empêche pourtant pas et en rien la punition… et quelle que soit sa forme (sentiment, condamnation, sanction).
Contre le punitif mais pour la punition
D'où ce problème : pourquoi vouloir alors en finir avec la punition ?
Dans la mesure où la punition ne fait que se transformer, se diffuser, s’intérioriser, mais jamais s’arrêter… qu’est-ce qui fait que, pourtant, en finir avec le punitif sonne encore comme une idée séduisante ? et sonne encore dans la bouche et dans la tête de ceux qui le clament comme une promesse d’avenir ?
Je sais bien que personne n’aime être puni et que, a priori, peu de gens doivent apprécier en punir d’autres… et que c’est bien là que se situe la séduction…
Mais le fait est pourtant frappant : plus on veut en finir avec le punitif, moins on en finit avec la punition, plus est brandi cet argument de la fin du punitif, plus se joue en fait une réactualisation de la punition, et souvent, en pire.
Ce n’est donc pas la punition qui est devenu un enjeu, réel, dans nos sociétés (elle l’a toujours été), mais c’est l’usage de son adjectif qui est devenu un enjeu rhétorique, un slogan qu’on balance, sûrement pour se déculpabiliser tout en sachant qu’on a bien qqch à se reprocher.