Syracuse

L’empire du Mali, appelé aussi l'Empire mandingue, est un État africain fondé au XIIIe siècle qui a connu son apogée au XIVe siècle. Il englobait une grande partie du territoire actuel du Mali, de la Guinée, du Sénégal, et de plusieurs autres États africains.

La faiblesse des sources écrites explique les difficultés qu'ont rencontrées les historiens pour retracer son histoire et les incertitudes concernant la capitale de ce royaume. Au cours des années 1920, les "historiens coloniaux" ont accrédité une hypothèse – que l'on trouve encore fréquemment aujourd'hui – en plaçant la capitale de l'ancien Mali à Niani, un village actuellement situé en Guinée. En s'appuyant sur l'étude des manuscrits arabes, cette thèse fut surtout défendue par Maurice Delafosse, dont l'œuvre joua un rôle fondateur pour les études françaises de l’histoire du Soudan.

Les conséquences de la décolonisation sur la recherche historique

La décolonisation de l'Afrique, au cours des années 1960, eut des conséquences majeures sur la recherche historique. Dès 1962, l'anthropologue Jacques Berque affirma que pour comprendre les sociétés africaines, il fallait rompre avec une histoire écrite du point de vue de l’"adulte occidental péninsulaire". L'une des conséquences de cette volonté de décentrement fut d'accorder une place de plus en plus grande aux traditions orales qui avaient été négligées jusque-là. Dans le même temps, l'ancien royaume du Mali est devenu un enjeu de mémoire, opposant les nationalistes maliens et guinéens, chaque camp revendiquant la paternité de la capitale du Mali médiéval. La république du Mali adopta le nom de l’illustre royaume médiéval, mais c’est la Guinée qui hérita de Niani, située près de la frontière guinéo-malienne.

La publication des "études archéologiques sur la capitale médiévale du Mali", réalisées par l'archéologue polonais Władysław Filipowiak conforta les prétentions de la Guinée, car ce dernier affirmait avoir trouvé les preuves que Niani avait bien été la capitale du royaume. Pourtant, les trois campagnes de fouilles réalisées sous la direction de cet archéologue n'avaient apporté aucune preuve irréfutable à l'appui de cette thèse. Dans les décennies suivantes, une analyse critique des sources écrites et de nouvelles recherches s'appuyant notamment sur l’épigraphie médiévale et les chroniques soudanaises, ont permis de renouveler en profondeur l'histoire de cette partie de l'Afrique.

Repenser la définition de "capitale"

Ces nouveaux regards ont remis en question le concept même de "capitale" concernant le royaume du Mali. L'anthropologue Jean Bazin a affirmé qu'il s'agissait en fait de "zones capitales", comparables à ce que nous appelons un "canton". Et il ajoutait : "C’est une sorte d’aire assez vaste, qui peut faire vingt ou trente kilomètres ou quarante kilomètres de diamètre, et à l’intérieur de cela, il y a un lieu : le palais royal qui, éventuellement, se déplace dans cette zone, et puis ces hommes que l’on accumule qui s’installent tout autour".

Les toutes dernières recherches menées par les archéologues sur le territoire de l'ancien empire du Mali semblent confirmer cette perspective en rupture avec la définition européenne d'une ville-capitale.

Bibliographie :

• Jean Bazin, "L’État avec ou sans cité", Journal des africanistes, n° 74, 2004, p. 49-56
• Hadrien Collet, "L’introuvable capitale du Mali. La question de la capitale dans l’historiographie du royaume médiéval du Mali", Afriques, n°4, 2013

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