Syracuse

L'art contemporain est l'objet de toutes les polémiques. Quand il n'est pas dénoncé pour le prix exorbitant de ses œuvres à succès, vendues chez Sotheby's à quelques collectionneurs richissimes, il est décrié pour l'anticonformisme qu'il promeut et que beaucoup de critiques trouvent justement très uniformisé. Sa recherche frénétique de la subversion tend souvent à rejoindre les mêmes voies, qui travaillent toujours à la limite du supportable et du concevable. S'il cherche à renouveler le regard du spectateur sur la notion d'art elle-même, il ne parvient cependant pas à se départir de tout héritage. L'art contemporain est en effet le digne successeur des divers courants qui ont fait l'histoire de l'art jusqu'à lui. Ce vaste récit qui commence avec les œuvres préhistoriques s'appuie sur de grands noms – de Praxitèle à Véronèse, en passant par Cézanne, Picasso, Buren, sur des périodes phares – de la Renaissance à l’Ecole de New York ou des moments-clés – l'abstraction, le cubisme. Celui qui a inventé l’histoire de l’art, c’est Giorgio Vasari, l’auteur des Vies des peintres publié en 1550 à Florence. Les artistes semblent avoir toujours procédé de la même façon : en détournant, en citant, en revisitant, en se réincarnant. Ainsi, l'art contemporain s'approche tantôt de l’art pariétal avec par exemple le peintre Miquel barcelo, mais il retrouve aussi une conception du corps héritée des cérémonies tribales ou des représentations christiques, comme avec David Lachapelle ou ORLAN. Il reprend également des techniques issues de l'art byzantin comme l'artiste Hervé di Rosa et de la Renaissance, comme le vidéaste Bill Viola.  On pense encore au baroque et au rococo, dont les éléments esthétiques sont réemployés par l'artiste Jean-Michel Othoniel, qui a notamment réalisé le Kiosque des noctambules pour la station de métro Palais-Royal, à Paris. Des centaines et des centaines d'influences issues du passé sont à l'œuvre dans la création d'aujourd'hui, et il est intéressant de remarquer que ce qu'on classe sous le terme générique d'art contemporain, n'est pas cantonné à notre époque et que ses inventions sont souvent des réinventions. 

• L'invité : Elisabeth Couturier, journaliste et critique d'art, auteure de Art contemporain : ce qu'il doit aux chefs-d'oeuvre du passé en 2021, mais aussi de Design contemporain et Photographie contemporaine en 2015, tous parus aux éditions Flammarion.