Catherine Cusset nous parle de rencontres : l'une littéraire, l'autre picturale. La première concerne Marcel Proust que Catherine Cusset a découvert et lu avec passion dès l'adolescence. Elle a publié le 20 mars dernier aux éditions Gallimard, un essai personnel sur le célèbre écrivain intitulé Ma vie avec Marcel Proust. La seconde se rapporte à l'œuvre du peintre David Hockney. L'autrice dans son roman illustré Vie de David Hockney évoque la manière dont les œuvres de ce peintre s'emparent d’elle.
Deux artistes, deux visions et une romancière pour tracer un fil rouge entre ces créateurs libres et révolutionnaires.
L'écrivaine Catherine Cusset est drôle, elle est très honnête et bien qu'elle dise souvent qu'elle est radine, elle en a même fait un livre, et fait montre d'une grande générosité pour partager sa passion des grands textes. L'auteur de L'autre qu'on adorait, Le problème avec Jeanne, La haine de la famille, Un brillant avenir ou encore Une éducation catholique fait paraître à deux semaines d'intervalle l'essai personnel Ma vie avec Marcel Proust et une édition illustrée de son roman biographique Vie de David Hockney. Il sera donc question dans cette émission de vie et donc aussi d'amour et de mort. Et si tout se passe bien, vous ressortirez de l'émission sans avoir peur de lire La recherche, voire même avec le désir impérieux d'enfin, si ce n'est déjà fait, vous y plonger.
Sa définition du bonheur
Pour Catherine Cusset, le bonheur c’est un sentiment qui vient de nous et se résume surtout à faire ce dont on a envie. Le bonheur ne s'impose pas : « L'écriture, c'est tout ce que j'ai envie de faire, et c’est un bonheur mais où on ne rit pas tous les jours. Le nombre de fois où je me sens nulle, où j'ai l'impression de repousser ce rocher jusqu'en haut de la montagne, puis qu’il retombe le lendemain et qu’il faut recommencer. C’est un sentiment dont parle très bien Marcel Proust ».
Sa vie avec Marcel Proust
Ma vie avec Marcel Proust, l'exercice qui n’était pas facile au début pour elle, qui ne pouvait pas se permettre d’écrire et de juger quelqu’un qui lui est supérieur intellectuellement et artistiquement : « C'est venu d'une commande et j’ai beaucoup de mal avec ce processus. C'est une l'éditrice qui m'avait demandé si je voulais participer à cette collection et j'avais dit ; si jamais un jour j'écris un livre, ce sera sur Marcel Proust parce que je l’ai lu en entier. J’ai lu La recherche en entier trois fois et j’avais pris beaucoup de notes au moment où je l'ai relu quand j'ai écrit L'autre qu'on adorait, je sentais qu'il y avait la possibilité d'un livre. Et puis je ne l’ai pas et puis notre éditrice est arrivée, Sandrine Traîner qui a une poigne ferme et elle m’a dit ; il faut que vous sachiez que Marcel Proust est un auteur très désiré, c’est comme ça que je me suis engagé à le faire ».
Proust, un talent né du doute
Proust pensait qu'il n'avait aucun talent littéraire et voulait arrêter l'écriture. Il parlait de sa nullité intellectuelle : « On parle souvent de La recherche du temps perdu comme du livre, de la vocation, de l'écrivain de génie, mais en fait, tout au long de la recherche, il dit qu'il n'arrive pas à écrire, qu'il est paresseux, qu'il procrastine, il parle aussi de sa nullité intellectuelle, qu'il n'est pas assez bon, pas assez brillant et en plus de ça, il ne croit même pas à la valeur littérature. C'est vraiment ce doute qui fait écho en moi et aussi chez mon personnage dans L'autre qu'on adorait, mon ami qui lui n'a pas réussi à créer et qui s'est suicidé à 39 ans. Et ce doute, ce passage par le doute chez Proust est suivi d'une certitude d'autant plus forte qu'elle est passée par le doute ».
Sa découverte de Proust à 15 ans
Catherine Cusset a lu intégralement La recherche à quinze ans, à 20 ans et à 50 ans. La première fois, parce que ça avait des échos avec son histoire familiale et un sentiment qu’elle ne parvenait pas à nommer : « J’étais une grande lectrice. C'est ma mère, qui m'a conseillé de lire Proust. C'était l'été de mes quinze ans et j'ai adoré. Je raconte cette scène dans le roman. Je suis sur la plage, je suis jeune fille au pair en Normandie dans une famille absolument horrible et je lis le passage de Sodome et Gomorrhe, j’en suis au troisième volume dans La recherche et je suis tellement prise par les lectures que je ne fais pas attention à ce petit bébé de 18 mois que je garde et à qui j'ai appris à marcher, et il va tomber pendant que je suis en train de lire Sodome et Gomorrhe. Ce que j’ai aimé à quinze ans chez Proust, c’est que ce que ce ne sont que des histoires d'amour. Ça commence par l'amour pour la mère, j’étais extrêmement proche la mienne. Dans Le triangle que raconte Proust au début du roman, dans l'attente du baiser, de la mère, du père et de l'enfant, je me suis complètement retrouvée ».
-> Pour en savoir plus, écoutez l'émission...
Extraits diffusés :
- La lecture par Michel Bouquet d'À la recherche du temps perdu de Marcel Proust en 1971 sur France Culture
- L'air La Jeune Fille et la Mort (1817) de Franz Schubert
Choix musical de l'invitée
Catherine Cusset a choisi de partager la chanson Ain't Got No, I Got Life de Nina Simone sortie en 1968.