Qui a dit que la peinture était dépassée ? Certainement pas Thomas Lévy-Lasne et Claire Chesnier, deux artistes dont les œuvres respectives sont aux antipodes mais qui renouvellent toutes deux notre regard sur le médium autant que sur le monde. Maître de la figuration, tout juste récompensé du prix Art Paris BNP Paribas, Thomas Lévy-Lasne peint ce qu’il voit mais surtout ce que le monde voudrait oublier : un silence dans une pièce, une fenêtre ouverte sur l’effondrement, une lumière sale sur une fête qui s’éteint. Claire Chesnier, dont l’exposition personnelle Une éclaircie à la verticale ouvrira au CCCOD de Tours début juin, a pour sa part progressivement déserté le réel pour chercher « une image qui n’en est pas une », qu’elle fait advenir au moyen d’un protocole bien précis. En clair, leurs gestes sont contraires : l’un tend vers la forme, l’autre vers l’effacement ; l’un vers la figure, l’autre vers la couleur pure. Et pourtant, leurs œuvres respectives sont baignées d’une tension entre ce qui apparaît et ce qui se dérobe… Levons le mystère, le temps d'une double carte blanche ! Au programme :
★ Érosion des certitudes et trouble dans l'art, avec Claire Bernardi, directrice du Musée de l’Orangerie à Paris et commissaire de l’exposition Dans le flou qui ouvre ses portes le 30 avril. Pour le premier LIVE PAROLE, elle nous lira un texte de Jean-Charles Vergne sur le travail de Claire Chesnier.
★ Fidélité au réel et puissance de la fragilité, avec l’autrice, metteuse en scène et comédienne Claire Lasne Darcueil, qui présente sa nouvelle création, Je suis venu te chercher, du 24 au 30 avril au Théâtre national de Strasbourg. Elle nous en lira un extrait en duo avec Thomas Lévy-Lasne le temps du deuxième LIVE PAROLE
★ Et comme l'on voit double jusqu'au bout, le duo Scratch Massive revient une deuxième fois sur la petite scène de "Comme un Samedi" pour nous offrir un autre LIVE MUSIQUE à la croisée de la techno et de la cold wave, de la mélancolie et du rêve...
Donner le temps au temps de la peinture
Le temps est au cœur des œuvres de Thomas Lévy-Lasne et de Claire Chesnier mais de façon très différente. Pour Thomas Lévy-Lasne, être un peintre figuratif à l’époque de la photographie sur les réseaux sociaux, c'est-à-dire de l'hyper réalisme et de l'immédiateté, implique de travailler le sentiment de latence au sein de l'image. Dans ses œuvres, le temps semble comme suspendu. Il ne se passe rien à première vue, jusqu’à ce que les choses se révèlent... "Je fais des mises en scène en plusieurs temps. Il y a une petite narration plastique qui se découvre au fur et à mesure si l'on passe un peu de temps à réfléchir sur le tableau, surtout en se demandant pourquoi j'ai mis autant de temps à le faire !".
Chez Claire Chesnier, la question du temps est centrale. Elle se trouve autant dans la contemplation que propose ses toiles que dans la technique même. Elle peint à l’encre, sur papier, et travaille debout, longuement, dans le silence. Le temps de la matière joue un rôle central dans l'apparition de ses images qui ne figurent rien, mais nous aspirent et nous envoûtent : "La peinture ne peut pas rester à l'état de pigment, elle doit prendre un souffle, avoir un rapport presque alchimique d'évocation poétique, tout en restant finalement une couche colorée." Pour nous permettre d'en saisir toutes les nuances, l'artiste compare ses œuvres à des vagues : "On a toujours l'impression que ce sont les mêmes vagues. Il y a cette espèce de cadence et de rythme presque lancinant qui nous berce, qui nous rassure ou qui nous inquiète. Mais c'est à chaque fois quelque chose de nouveau. Il suffit qu'une inclinaison lumineuse frappe différemment et ça devient une lame coupante. Il suffit qu'il y ait un ressac de limon et la couleur change. Pour moi, la vie est sur ce rythme là, celui d'une répétition mais qui avance à chaque fois, propose un autre pas, une autre couleur."
Amour flou
« On n’y voit rien », disait et écrivait l’historien de l’art Daniel Arasse. Une phrase que Claire Bernardi imagine présente dans l’esprit des nombreux spectateurs qui font face chaque jour aux Nymphéas de Monet, exposés au Musée de L’Orangerie dont elle est la directrice. L’œuvre, monumentale, échappe à toute définition : elle est indistincte et met en déroute nos sens. Pourtant, Claire Bernardi remarque que le terme de « flou » n'est jamais apparu dans le vocabulaire critique ou esthétique pour qualifier ces grandes décorations ! « C'est en partant de ce constat et en arrivant à la tête de ce Musée que je me suis dit qu’il y avait quelque chose d’évident à faire autour de cette non évidence de la forme », raconte-t-elle. Mission accomplie : l’exposition « Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours » est à découvrir du 30 avril au 18 août 2025 au Musée de l’Orangerie. Pas question pour autant de ne poser cette question du floutage par rapport au réel qu'à travers l'œuvre de Monet : résolument contemporaine, l'exposition fait droit aux œuvres récentes, comme celles de Claire Chesnier, mais aussi à notre regard actuel pour convoquer des enjeux historiques, sociologiques, sociétaux et politiques.
Sons diffusés durant l'émission :
★ Christian Boltanski dans Affaires Culturelles, le 4 février 2021
★ extrait de la Cantate BWV 12 “Weinen Klagen Sorgen Zagen” de Bach, dirigée par Thomas Hengpage, 2009 @Deutsche Harmonia Mundi
★ Marguerite Duras, en 1984, dans “Le bon plaisir” sur France Culture
Plus d'informations sur les actualités des invité.e.s
Les actualités de Claire Chesnier :
- “Une éclaircie à la verticale”, l’exposition de Claire Chesnier au CCC OD, à Tours, sera visible du 6 juin 2025 au 18 janvier 2026
- Le livre sur “Claire Chesnier”, avec des textes de Maylis de Kerangal, Molly Warnock, Pierre Watt et Jean-Michel Alberola, a parus aux éditions JBE books, en coédition Galerie Ceysson & Bénétière et THE PILL®, avec la participation de L’ahah, du Fonds de dotation Pascaline Mulliez et du CCC-OD, Tours. Avec le soutien de l’ADAGP, Bourse collection Monographie 2024.
- Le site de Claire Chesnier est à découvrir ici.
Les actualités de Thomas Lévy-Lasne :
- Sa première monographie, La fin du banal, a paru aux éditions des Beaux-Arts de Paris, avec le soutien de l’Adagp et du Cnap.
- Thomas Lévy-Lasne fera partie de l’exposition collective “Copistes”, à voir du 14 juin au 02 février au Centre Pompidou Metz, avec un commissariat de Chiara Parisi et Donatien Grau.
- Le site de Thomas Lévy-Lasne est à découvrir ici.
Les actualités de Claire Lasne-Darcueil :
- « Je suis venu te chercher », écrit et mis en scène par Claire Lasne-Darcueil, sera donné du 24 au 30 avril 2025 au TNS, dans le cadre du Festival Gala
- En juin 2026, à la MC93 à Bobigny, Claire Lasne Darcueil présentera un spectacle qui mêlera également danse et théâtre et rassemblera des professionnels et des amateurs, en lien avec le territoire de Seine St Denis.
Les actualités de Claire Bernardi :
- L’exposition « Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours », dont le commissariat est assuré par Claire Bernardi et Emilia Philippot, en collaboration avec Juliette Degennes, est à découvrir du 30 avril au 18 août 2025 au musée de l’Orangerie. Elle ira ensuite à Madrid et à Barcelone. Un très riche catalogue coédité par le musée d’Orsay / Atelier EXB accompagne cette exposition.
- Au Musée de l’Orangerie toujours, les deux cycles mensuels d’invitations aux créateurs de divers horizons se poursuivent : “Echo des Nymphéas” accueillera Marie Darrieussecq et le duo Namorole le lundi 19 mai ; tandis que le rendez-vous de “Danse dans les Nymphéas” du lundi 12 mai sera avec Anne Chirescu & Grégoire Schaller.