La philosophe Olivia Gazalé a découvert King Kong Théorie de Virginie Despentes alors qu'elle écrivait un livre sur la domination masculine : "j'ai été bouleversée par ce livre qui constitue un croisement entre le corps rebelle et la pensée : c'est à la fois le cri et le concept, le monstre et celle qui pense le monstre". C'est aussi la première qui démontre que la domination masculine est un piège pour les deux sexes, et c'est cette idée de Despentes qui a donné envie à Olivia Gazalé d'écrire sur la virilité.
Refuser d'être la "bonne victime"
Dans ce texte, Virginie Despentes se réapproprie la figure du monstre, "car la société craint la figure de la féminité qu'elle représente. Elle parle à partir de son expérience de femme punk, violée : c'est une King Kong girl, qui parle trop haut, trop fort, qui refuse d'être la "bonne victime" qui se mure dans le silence". L'écrivaine met aussi des mots sur les mécanismes qui consistent à inverser la culpabilité dans le viol, à diaboliser les femmes et à les transformer en victime fautive.
Suite à son viol, Virginie Despentes ne trouve aucun secours dans les livres : "comme beaucoup de femmes avant #MeToo, elle se retrouve seule et sans ressources, et elle est furieuse contre une société qui à la fois lui dit qu'elle ne pourra jamais se remettre de l'expérience du viol, et qui criminalise toute défense contre la violence qui lui est infligée".
La virilisation du monde
En 2006, personne ne parlait de la virilité, et le texte de Virginie Despentes a été un électrochoc pour Olivia Gazalé : "j'ai voulu creuser cette question, et j'ai compris que les injonctions coercitives de la virilité - ne pas pleurer, ne pas montrer ses souffrances ni ses faiblesses par exemple - servent en fait à exploiter les hommes et à les préparer à la guerre. Cette mystification de la rétention émotionnelle est une imposture".
Aujourd'hui, Olivia Gazalé voit dans la backclash masculiniste le signe de l'exténuation du modèle viriliste qui est en crise : "il est réactivé de manière brutale et violente, or il faut rappeler que la déconstruction de la virilité est une remise en question salutaire pour les deux genres".
"Aristote est gênant"
Olivia Gazalé reconnait qu'Aristote est un immense savant, mais est gênée par le fait qu'il légitime la hiérarchie des genres : "selon lui, l'infériorité de la femme est inscrite dans la nature, et cette idée va imprimer dans toute la médecine occidentale".
Extraits sonores :
- Archive de Virginie Despentes du 13 avril 1996, "Nous les femmes" sur France Inter
- Lecture par Anaïs Ysebaert d'un extrait de King Kong Théorie de Virginie Despentes, “Impossible de violer cette femme pleine de vices”, Grasset, 2006
- Lecture par Anaïs Ysebaert d'un extrait de King Kong Théorie de Virginie Despentes, “Je t'encule ou tu m'encule ?”, Grasset, 2006
- Extrait du spectacle Je parle toute seule de Blanche Gardin, enregistré à L’Européen en 2017
- What I don’t like, chanson de SVT
