Laurence Devillairs a découvert Descartes vers l'âge de 16 ans : "la première chose que j'ai comprise en le lisant, c'est que c'était beau. J'ai eu l'impression de me promener dans une architecture, dans un bâtiment d'une beauté exemplaire". Elle a aussi été séduite par le côté rebelle de Descartes, qui n'était pas une figure académique : "Descartes, c'est l'outsider par excellence, et c'est pour ça qu'il échappera toujours au cartésianisme. Il faut oublier tout ce qu'on a lu sur Descartes pour bien le lire".
Descartes, un guide de vie ?
Laurence Devillairs a surtout été marquée par le conseil de Descartes, qui est de ne pas douter quand il s'agit de bien vivre : "selon lui, il est déraisonnable d'être trop raisonnable. Il s'agit d'avancer dans la forêt, même si l'on n'a pas de GPS, même s'il nous manque des connaissances". A l'heure où le développement personnel et ses injonctions ont le vent en poupe, Laurence Devillairs nous rappelle que pour Descartes, il n'existe pas de recette pour vivre : "pour lui, ce qui compte, c'est d'être résolu dans l'usage que je fais de ma décision et de ma volonté - mais ce n'est pas du volontarisme pour autant !"
Laurence Devillairs remet ainsi en cause l'image que l'on a tendance à avoir de Descartes, à savoir celle du philosophe bien tranquille en peignoir devant son poêle : "Descartes, c'est l'apologie de la passion. C'est le refus de l'errance, le choix d'un chemin. Et l'idée n'est pas de régler son compte au réel et d'en faire fi, mais de tenter de s'en sortir avec la volonté comme seule arme".
"Selon Pascal, on n'a pas les moyens de notre volonté"
Laurence Devillairs dit avoir voulu trahir Descartes avec Pascal, ce dernier lui permettant de penser l'inquiétude. "Pascal condamne le fait qu'on passe notre vie à ne pas vouloir penser à nous et au sens de la vie. Donc contrairement à Descartes qui nous enjoint à avancer quoi qu'il arrive, Pascal nous tend un miroir et nous demande d'arrêter notre course et nos divertissements pour réfléchir. Pour lui, la volonté veut, mais ne peut pas ce qu'elle veut, ce qui inquiète forcément la volonté cartésienne."
"Heidegger, c'est un vrai problème pour moi"
Laurence Devillairs déteste "l'écriture jargonnante de Heidegger" ainsi que "son moralisme sans morale". "Je n'aime pas l'homme, je n'aime pas ses écrits, c'est vraiment une philosophie qui me déplaît."
Extraits sonores :
- Archive de Louis Leprince-Ringuet du 4 novembre 1972, “Entretiens avec”, France Culture
- Lecture par Nicolas Berger d'un extrait du Discours de la méthode de René Descartes, Troisième partie, 1637, éditions Flammarion, p.25 de l’édition numérique
- Lecture par Nicolas Berger d'un extrait des Pensées de Blaise Pascal, pensée 229, 1670, dans Pascal, L’Oeuvre, collection “Bouquins” des éditions Mollat, p.928 de l’édition numérique
- Archive d'Albert Camus du 12 mai 1959, “Gros plan avec Albert Camus”, émission de télévision de la RTF
- Le bonheur ne me rend pas heureux, chanson de Kent
