Ce soir débute le festival Focus au 104, un week-end dédié à la musique contemporaine et à l’écoute différente, notamment grâce à un instrument très particulier appelé l’acousmonium. Qu’est-ce qui caractérise l’expérimentation musicale, et comment l’acousmonium permet-il d’agrandir, de répartir la musique dans l’espace ? Nous en parlons aujourd'hui avec Christian Zanési, ancien directeur artistique du GRM, Groupe de Recherches Musicales de l'INA, un des principaux lieux d'expérimentation musicale en France.
Le GRM a été fondé par Pierre Schaeffer, qui a notamment composé en 1948 un Concert de bruits. Comment décrire à nos auditeurs le type de musique dont il s'agit ? "C'était une idée un peu un peu folle au départ, où il s'agissait d'utiliser des sons, quels qu'ils soient, que ce soit des sons instrumentaux ou des sons de la vie courante, des sons de chemins de fer, des sons de casserole, des sons d'instruments de musique aussi, pour imaginer des constructions musicales. En ce sens-là, c'était une rupture avec ce qui était considéré comme les éléments constitutifs de la musique."
Le GRM s'intéresse à plusieurs types d'expérimentations musicales. Il y a la musique concrète, mais il y a aussi la musique électroacoustique. Est-ce que Concert de bruits ressemble plutôt à de la musique concrète? Comment différencier les deux ? "Dans un premier temps, Pierre Schaeffer a qualifié cette musique de 'concrète'. Vous noterez qu'il a qualifié ses expérimentations de 'musique'. Il aurait très bien pu aller du côté des arts plastiques ou appeler cela 'sonique'. Mais qualifiant dès le départ ses expériences de 'musique', il a fait venir à lui, à ses côtés, des musiciens.
Si bien que le focus sur la musique a été prioritaire. "Ce faisant, comme c'était un homme d'expérience, à la fois un peu artiste et beaucoup chercheur, il s'est interrogé sur ce qu'il était en train de faire. Si on lit ses écrits dès le départ, il posait toutes les bonnes questions d'entrée de jeu." Ces questions, Pierre Schaeffer les a résumées dans le concept de recherche musicale. "C'est lui qui a inventé finalement ce concept. Qu'est-ce que nous sommes en train de faire? Comment peut-on parler des sons? Comment peut-on parler des bruits? Comment peut-on parler de la forme des bruits, de leur constitution, de leur structure ? Il a ouvert finalement une discussion qui a été extrêmement bénéfique dès le départ."
Est-ce qu'on doit penser la musique électroacoustique comme une continuité de la musique concrète ? "Ce sont plusieurs appellations qui finalement parlent de la même chose, mais changent l'angle du regard.", éclaircit Christian Zanési. " Musique concrète parce que Pierre Schaeffer s'est rendu compte que finalement, il était difficile d'avoir une bonne prévisibilité, comme on peut le faire par exemple avec l'orchestre." On a parlé quelques décennies plus tard de musique électroacoustique ? Pourquoi ? "Parce que ça permettait de désigner tout un ensemble de pratiques, que ce soit la musique électronique qui était réalisée en Allemagne, qui était assez structuraliste finalement, et la musique concrète. Parce que ça utilisait finalement plus ou moins les mêmes outils, c'est-à-dire l'enregistrement."
S'agissant d'écoute acousmatique, commence le festival Focus au Centquatre, avec un instrument assez particulier, assez exceptionnel qui sera utilisé : l'acousmonium, créée en 1974. Y a-t-il un lien entre une écoute acousmatique et l'acousmonium ? Quel est cet instrument ? " C'est un dispositif qui rassemble à un grand nombre de haut-parleurs et qui permet d'agrandir et de répartir le son dans la salle. La question qui s'est posée dès les années 1950 - on est dans cette continuité là, même s'il y a eu des évolutions majeures - était celle de passer du studio (où on écoutait avec un haut-parleur ou deux un peu plus tard) à la salle de concert. C'est un peu comme passer de la salle de montage de cinéma à l'écran de la salle de projection."
Plusieurs solutions ont été trouvées. "Plusieurs compositeurs ont pensé donner une dimension spectaculaire au concert en multipliant le nombre de haut-parleurs : 60, 70 et 80." De quoi s'agit-il ?"Il s'agit dans un premier temps d'avoir une sorte d'agrandissement de l'écran. Il y a aussi l'idée d'une immersion dans le son, du mouvement et de la circulation de celui-ci. " L'expérience devient alors comparable à celle de l'écoute quotidienne, mouvante et tridimensionnelle. "C'est-à-dire que quand on est dans la rue, on entend des sons en haut, qui sont en droite de sons, à gauche, des sons derrière, des sons loin, des sons près. Notre oreille est très active sur ce phénomène acoustique. Amené dans la salle de concert par un agrandissement et par une disposition de haut-parleurs, ce même type d'expériences répond finalement à une propriété de notre système perceptif."
Le programme complet de l'événement Focus #6 : Concerts 25 > 26.04.2025 avec l’INA grm
Brèves du jour
Nous fêterons ce weekend la librairie indépendante. Demain est célébrée la 27e Fête de la Libraire indépendante. 700 d’entre elles participent à l’événement, en France mais aussi en Suisse et en Belgique. Depuis 1998, la tradition veut qu’à cette occasion, un beau livre et une rose soient distribués aux visiteurs. Cette année, cinq livres juxtaposés seront offerts, tous rédigés sur le thème des fantômes. L’événement a pour but d’attirer les curieux dans ces établissements, qui font face à une concurrence accrue. Selon une récente étude, 75% des Français citent les grandes surfaces comme lieu d’achat des livres. Les librairies continuent malgré tout d’ouvrir en France puisque 130 sont apparues en 2024.
Une enquête partiellement résolue sur la disparition d’une œuvre d’Andy Warhol. Avec d’autres œuvres, l’exemplaire d’une sérigraphie représentant la reine-mère néerlandaise Béatrix avait disparu fin 2024 pendant la rénovation de l’hôtel de ville de la commune d’Uden. Une enquête menée jusqu’en mars cette année a apporté des conclusions qui relèvent des consignes de rangement plutôt que de l’affaire criminelle. L’agence de recherche externe a par exemple expliqué que : “la propriété n’a pas été correctement attribuée, il n’y a pas eu de politiques et de procédures établies autour de la rénovation, et il n’y a pas eu d’action rapide lorsque les œuvres d’art se sont avérées manquantes”. La municipalité de Maashorst a déclaré : "Il est très probable que les œuvres d’art manquantes aient été accidentellement jetées avec les déchets encombrants ".