Dragons, griffons, phénix et licornes... Au Moyen Âge, ces créatures ne sont pas seulement des êtres imaginaires. L'Église catholique les utilise pour satisfaire ses besoins évangélisateurs et moralisateurs. En 1998, l'émission "Le cabinet des curiosités" consacre une série de cinq épisodes sur les animaux fantastiques. Dans le deuxième numéro, l'historien Michel Pastoureau et le médiéviste Claude Lecouteux nous transportent dans le bestiaire fantastique médiéval à la rencontre du dragon. L'occasion d'expliquer aussi comment certains monstres comme la licorne ont changé de symbolique, et comment ces créatures, plutôt qu'être tournées en dérision par l'Église, sont devenues des instruments nécessaires au prosélytisme des institutions catholiques, profitant de l'implantation préexistante de ces monstres dans l'imaginaire collectif.
Le dragon, "roi du bestiaire fantastique"
Par sa triple origine héritées de la Bible, des peuples gréco-romains et de l'Antiquité celte et barbare germanique, le dragon possède un lourd héritage. Une créature dont la suprématie écrase toutes les autres espèces, et une capacité à côtoyer les quatre mondes : terrestre, aérien, marin et souterrain. Animal utile au chevalier, il sert également à l'Église catholique qui instrumentalise au Moyen Âge les monstres, détourne les mythes pour en tirer profit et asseoir sa position. Dans l'iconographie des saints, on retrouve des artefacts dragonéiformes, symbole d'une purification évangélique. Saint Georges ou l'archange Saint Michel terrassent le dragon, Sainte Marthe le dompte. L'Église, en mettant en scène le mal, montre les vertus de ceux qui parviennent à s'en débarrasser.
Le Moyen Âge fabrique ses monstres : le veau-moine et l'âne pape
Parfois l'image d'une créature prend un sens différent. La licorne, autrefois redoutable et agressive, devient un symbole de pureté lié aux représentations christiques. D'autres monstres comme le griffon ou le phénix ont déjà une symbolique très forte, connue et codifiée. Alors pour étonner et frapper les esprits, l'époque médiévale fabrique ses propres monstres, imaginés dans les écrits puis repris dans les illustrations. Ainsi, à partir du 14e siècle, avec la querelle entre Luther et le pape, de nouveaux monstres voient le jour : le veau-moine ou encore l'âne-pape, allégorie de la méchanceté de la papauté.
- Production : Jacques Coget
- Réalisation : Malika Mezghach
- Avec Michel Pastoureau (historien) et Claude Lecouteux (médiéviste)
- Lectures de Catherine Laborde : Le dragon, texte anonyme du 13e siècle ; Le phénix du Bestiaire de Pierre de Beauvais ; À propos de l'âne-pape de Martin Luther ; Le basilic du Livre du trésor de Brunetto Latini
- Le cabinet de curiosités - Les animaux fantastiques 2/5 : Des êtres nécessaires (1ère diffusion : 24/02/1998 France Culture)
- Edition web : Amélie Potier, Documentation de Radio France
- Archive Ina-Radio France
