Sa musique est l’une de plus jouées au monde, sans être tout à fait exploitée comme celle d’autres compositeurs. Car, même de son vivant, Satie était à part, collectionneur de parapluies, clochard céleste, porteur d’un humour et d’une ironie qui se retrouvent dans le titre de ses oeuvres, en témoignent ses Véritables préludes flasques (pour un chien) ou son Bonjour Biqui, Bonjour !.
En outre, ses Gymnopédies et ses Gnossiennes, devenues de véritables standards, éclipsent le reste d’une oeuvre extrêmement dense, drôle et profonde. Et si Satie nous a quittés depuis 100 ans cette année, son oeuvre annonce ce qui suivra, du jazz à la musique répétitive.
Satie chez les jazzmen
Si en son temps sa musique déconcerte, fait rire, est tout du moins incomprise, Satie est devenu l’un des compositeurs les plus aimés des musiciens de jazz. En outre, ses apports musicaux ouvrent la porte à nombre de possibles, à commencer par le balancement d’accords. De même, l’accord de 7e majeur qu’il introduit dans les Gnossiennes, considéré comme dissonant et trop exotique en son siècle, devient un accord fondamental pour le jazz.
De fait, un artiste comme Bill Evans, grand pianiste et célèbre arrangeur de Miles Davies, se sent très proche de Satie. De son côté, Kety Fusco rend justice à ses célèbres et mystiques Gnossiennes en en soulignant le caractère mélancolique, fuyant mais vivant.
Un compositeur à rebours de ses pairs et de son temps
Satie compose un peu à rebours de ce qu’il se passe à son époque, né, comme il le dit très jeune, dans un temps très vieux. Ses amis sont Claude Debussy ou Maurice Ravel, d'immenses stars de leur vivant, considérés comme de véritables réinventeurs. Mais Satie a une relation ambiguë avec eux, vivant parfois dans leur ombre. En outre, il ne reçoit pas d'enseignement musical complet avant ses 40 ans, époque où il s'inscrit à la Schola Cantorum.
De fait, Satie compose toute sa vie dans une forme d'insouciance totale vis à vis de ce que peuvent penser de lui ses camarades musiciens, produisant en même temps une ironie acerbe vis à vis de ce qu’il compose.
Musique minimaliste et musique ambiante
John Cage, fondateur du mouvement Fluxus, qui dans les années 1950-1960 va complètement réinventer notre approche de la musique et d'une certaine manière inventer la musique répétitive et minimaliste, est obsédé par Erik Satie. C'est ainsi qu'il écrit et interprète comme le célèbre compositeur, retrouvant dans son oeuvre un rapport fondamental à l’écoute.
Satie a même influencé les artistes japonais : Satoshi Ashikawa, parrain de la kankyō ongaku, musique ambiante japonaise, reprend de manière presque littérale des accords du compositeur dans son titre Still space. De son côté, le très célèbre jeu vidéo The legend of Zelda: Ocarina of Time fait également référence au compositeur.
Extraits sonores :
- Bill Evans, Piece to piece, album Everybody Digs Bill Evans, 1958
- Kety Fusco, Ma Gnossienne, 2021
- Archive : Philippe Katerine sur les Gymnopédies et son admiration pour Erik Satie, France Inter, 2019
- Jacky Terrasson et Cécile McLorin Salvant, Je Te Veux, album Gouache, 2012
- Erik Satie, Gymnopédie N.3, Brandford Marsalis & Orpheus Chamber Orchestra; album Création, 2000
- Archive : Jean-Yves Thibaudet sur l’enregistrement de l’intégrale des oeuvres pour piano d'Erik Satie, émission Carrefour de Lodéon, France Musique, 2016
- Orange Blossom, Ya Sidi, album Under the Shade of Violets, 2014
- Shirim Klezmer Orchestra, Gnossienne 2, album Klezmer Nutcracker, 1998
- Archive : Vladimir Jankélévitch sur Erik Satie, émission Dits et écrits sur la musique, France Musique, 1972
- Erik Satie, Vexations, interpreté par Jeroen Van Veen, album Satie: Complete Piano Music, 2016
- Archive : John Cage sur l’écoute, émission Musique de notre temps, France Culture, 1977
- Erik Satie et John Cage, Socrate pour deux pianos, drame symphonique en trois parties, Part III: Mort de Socrates (Phédon), album Cage Meets Satie, 2020
- John Cage, Perpetual Tango, interprété par Bertrand Chamayou, album Letter(s) to Erik Satie, 2023
- Archive : Bertrand Chamayou sur Satie sans fin ni commencement, La Matinale, France Musique, 2023
- Satoshi Ashikawa, Still space, album Kankyo Ongaku: Japanese Ambient, Environmental & New Age Music 1980-1990, 2019
- Koji Kondo, The legend of Zelda: Ocarina of Time, 1998
- Arthur H et Feist, La chanson de Satie, album Adieu tristesse, 2005