Syracuse

«Rarement musée ou lieu de mémoire a été autant instrumentalisé par le politique comme l’a été Auschwitz», prévient l’historien Tal Bruttmann. Cette instrumentalisation commence dès la création du musée, en 1947. Dans ce lieu où ont été assassinées environ 1 million 300 000 personnes, dont 90 % étaient des Juifs, le musée va honorer d’abord et surtout les 70 000 Polonais catholiques – prisonniers politiques – qui y sont morts.

Pourtant, dès l’après-guerre, le nom d’Auschwitz résonne dans l’Europe entière : c’est le camp où ont été déportés les Tziganes d’Autriche et d’Allemagne, les Juifs de Hongrie, de Grèce, d’Autriche, d’Allemagne, de Bohême-Moravie, de France, d’Italie, et c’est le plus grand camp d’extermination nazi. «Les survivants qui créent le musée ont conscience que c’est un musée qui peut devenir très important », souligne l’historien Jean-Charles Szurek. Et cette importance n’échappe pas au régime communiste : Auschwitz sera le symbole de la lutte contre le fascisme et de la nécessaire union des nations contre l’impérialisme menaçant – pas celui de la lutte contre les préjugés racistes et antisémites. Moins de 300 000 femmes, hommes et enfants juifs polonais ont survécu à la guerre. Ils étaient plus de 3 millions en 1939.

Avec

• Tal Bruttmann, historien spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme au XXe siècle, auteur notamment de "Auschwitz", La Découverte, 2015, "Un Album d’Auschwitz" (collectif), Seuil, 2023.
• Agnieszka Grudzinska, professeur émérite de la Sorbonne Université, auteur et traductrice, notamment de "Représenter la Shoah après 1989 : entre la France et la Pologne", Petra, 2022.
• Jean-Charles Szurek, historien, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste du communisme et des relations judéo-polonaises, auteur notamment de "Gabriel Ersler", Hermann, 2023.
• Jonathan Webber, anthropologue, ancien membre du Conseil international d’Auschwitz.
• Annette Wieviorka, historienne, directrice de recherche honoraire au CNRS, auteur notamment de Auschwitz. La mémoire d’un lieu, Fayard/Pluriel, 2012 ; "Tombeaux", Seuil, 2022, prix Femina Essai et Itinérances, Albin Michel, 2025.

Un documentaire de Béatrice Leca, réalisé par Yaël Mandelbaum