Écrivaine plasticienne et membre de l'Oulipo à la sensibilité fantaisiste et à la drôlerie délicieuse, Clémentine Mélois vient de faire paraître un récit autobiographique dans la collection L'Arbalète de Gallimard sous le titre Alors c'est bien ?, phrase prononcée par son père, Bernard Mélois, pendant sa maladie. Tombeau littéraire faisant un pied de nez au pathos, l'ouvrage revient sur les derniers jours du sculpteur Bernard Mélois, mais surtout sur les autres jours de sa vie remplie de loufoquerie et de tendresse.
Son calendrier des marins pêcheurs de l'Île-d'Yeu
Entre 2004 et 2008, Clémentine Mélois a fabriqué le calendrier des marins pêcheurs de l'Île D'Yeu : « J'ai toujours fabriqué des livres depuis l'enfance. J'étais étudiante aux beaux-arts et l'été, j'étais serveuse dans des cafés notamment à Belle-Île en mer et à l'île d’Yeu. Je voulais faire des livres qui touchent tout le monde, quelque chose d'universel comme une espèce d'utopie absurde de démocratisation et d'ouverture totale. J'ai cherché quelque chose qui pourrait parler à tout le monde avec des pages qui se tournent, des images et des textes, et le calendrier, c'est formidable parce que c'est utile. Je me suis donc retrouvée à faire le calendrier des marins pêcheurs de l'île d'Yeu où chaque mois, il y avait un équipage et un marin. La typographie était extraite des immatriculations de bateaux. Ça m'a permis de rencontrer plein de gens. J'ai fait 53 portraits d'équipages de marins-pêcheurs de l'île d'Yeu. »
Un ouvrage sur son père
Le père de Clémentine Mélois s’appelait Bernard et il était sculpteur, et sa mère professeure de français et photographe. Ils ont incité leur fille à lire, mais aussi à se lancer dans toutes sortes de bricolages artistiques, ce qu'elle a fait toute sa vie. Le 27 juin dernier, c'était le premier anniversaire de la mort de son père : « Je n'avais pas du tout prévu d'écrire ce livre et je suis restée absente assez longtemps pendant que j'étais auprès de mon père et de ma famille. Quand j'ai commencé à raconter la façon dont s'étaient passées les dernières semaines et son enterrement, je me suis dit qu'il fallait que j'écrive cette histoire. J'ai commencé à écrire trois semaines après sa mort, et je ne me suis plus arrêtée. Le livre s'est fait de manière inattendue, comme si je l'avais toujours eu en moi, c'était comme une espèce d'évidence. »
Enterrer son père comme un pharaon
Le livre commence avec de la peinture bleue, celle avec laquelle Clémentine peint le cercueil de son père pour lui faire un enterrement digne d'un pharaon avec son accord et son encouragement : « Avec mon père, on parlait de tout. Il savait qu'il allait mourir, et il disait qu'il avait eu une belle vie et qu'il voulait avoir une belle mort. On parlait de son enterrement de manière très simple, c'est aussi une façon de mettre la douleur à distance. Il est enterré avec un chalumeau et des baguettes de soudure au cas où il aurait envie de faire de la sculpture. » La mort est une thématique que la famille de Clémentine Mélois a apprivoisée. Elle l'a démystifiée en en parlant pour pouvoir se familiariser avec elle. Déjà petite, elle fabriquait des cercueils pour des oiseaux : « La mort n'est pas taboue chez nous, mais elle n'enlève pas le chagrin, ni la douleur, ni le deuil. La parole, c'est comme les histoires, à partir du moment où l'on peut énoncer les choses, elles deviennent plus faciles à accepter. »
Accepter l’absence de désir
Clémentine Mélois a beaucoup de désirs et d'envies. Pour elle, c'est cela qui fait qu'on mène les projets à bien comme s'il était question de survie : « J'ai aussi accepté d’arrêter de me battre contre l'absence de désir, de n'avoir pas envie de faire les choses ou d'avoir des grands moments de jachère intellectuelle et ce n'est pas grave. Dans ces cas-là, je ne suis pas en train de relire Nietzsche ou en train de faire une grande œuvre, je regarde des séries mal doublées en mangeant du chocolat, mais c'est aussi un moment de vie. »
**La plasticienne Clémentine Mélois lit successivement deux extraits de son livre Alors c'est bien écrit en hommage à son père Bernard Mélois : « Ça n'a pas de rapport avec ses sculptures, mais avec l'amour que se vouaient mes parents et qui était assez incroyable. Jusqu'au dernier jour, mon père rendait hommage à ma mère, lui faisait des déclarations incroyables. Ma mère s'appelle Michèle ; mon père l'appelait "My shell", ma coquille, et il avait écrit dans le jardin avec un fil LED à énergie solaire "I love my shell", et toutes les nuits, un an après sa mort, le "I love my shell" brille encore dans le jardin. Je trouve ça très beau. Je vais vous lire cet extrait. »
Extraits diffusés :
Nous entendons la voix de Paul Valéry sur les ondes de la radiodiffusion française dans une conférence donnée en 1939 sur l'avenir de la civilisation occidentale. Pour ponctuer cette archive sonore, nous nous offrons un pas de côté musical avec le standard Petite fleur composé et interprété par Sidney Bechet en 1952, et que Bernard Mélois avait coutume de fredonner dans son atelier. Enfin, Georges Simenon rappelle sur les ondes de l'ORTF en 1963 quelques traits de caractère essentiels de son personnage Maigret, dont les histoires sont comme des "biscuits" pour Clémentine Mélois.
Choix musical de l'invitée :
Clémentine Mélois a choisi Marcia Baïla (1984) des Rita Mitsouko, chanson de mort se transformant en élan de vie.
Découverte de l'invitée :
Marcel Cohen au micro de RFI en 2013 au sujet de son livre Sur la scène intérieure.
Programmation musicale :
Muddy Monk (feat. Giorgio Poi) - Tic Tac
Eels - Sweet Smile